Charles Montpetit, Temps perdu (Fa)
Charles Montpetit
Temps perdu
Montréal, Paulines, 1983.
Réfugiée dans un placard après une empoignade avec un garçon de l’école, Marianne fait la connaissance d’une entité immatérielle. Ce pourrait être une association intéressante, dans le cerveau de la jeune fille elle éphémère mais capable de se mouvoir dans l’espace, et l’entité éternelle se déplaçant dans le temps. Elle emmène l’esprit de Marianne en voyage vers un futur incroyablement lointain, jusqu’au seuil de l’ultime découverte, un méta-univers. Mais Marianne, effrayée, sur le point d’être anéantie, réclame de retourner à son époque. Une mauvaise surprise les y attend, en l’absence de son esprit, son corps est. Si Temps perdu a quelques défauts mineurs, ce sont généralement les défauts de ses qualités : une recherche excessive de l’effet, de l’impact, comme en BD, mène ici à des exagérations ou des contorsions stylistiques. Mais on sent que la tendance est sous contrôle et il n’en reste que quelques échappées. L’auteur semble aussi, parfois, oublier qu’il s’adresse à des jeunes : ils trouveront peut-être quelques passages ardus. Mais cela reste peu fréquent et, le plus souvent, le ton du récit est très juvénile complice avec les jeunes, dirons-nous plutôt.
Ce qui frappe surtout, outre l’originalité fantaisiste de l’histoire, c’est la vitalité du récit et le caractère innovateur des trouvailles narratives, jusque dans les titres de chapitres et la disposition typographique. Je n’en donnerai qu’un exemple, ce jeu de poursuite dans un train (avec règles et plan du wagon), qui remplace la narration traditionnelle durant un épisode échevelé.
Pas un instant l’action ne s’essouffle. Je soupçonne que ce sens du rythme, du découpage efficace des épisodes, et ce parti-pris constant de l’humour, tiennent à la formation « BD » de l’auteur.
En somme c’est plus qu’un début prometteur c’est déjà un roman très réussi, fort agréable à lire, très amusant (je devrais écrire, très « ludique »). Avec l’inventivité qu’il démontre, et lorsqu’il aura parfaitement maîtrisé sa langue et son style un peu tapageurs, Montpetit produira à coup sûr des romans pour jeunes d’une valeur exceptionnelle.
La collection Jeunesse-Pop publie aussi L’Invisible Puissance, de Denis Côté, auteur de l’excellent Hockeyeurs cybernétiques. Cette fois, l’aventure se passe à notre époque, un ancien fan des Beatles, bouleversé par l’équivalent de l’assassinat de John Lennon, enquête sur une secte de fanatiques religieux fascisants, croisement entre le Ku Klux Klan et l’église du révérend Moon.
Alain LORTIE