Yolande Villemaire, La Constellation du cygne (SF)
Chaque année, il se trouve quelques romans qui entretiennent un lien ténu avec la SF ou le fantastique. C’est le cas de La Constellation du cygne de Yolande Villemaire. Certes, on y parle de réincarnation, les personnages ayant vécu des vies antérieures, mais cela est-il suffisant pour en faire un roman de SF ? La romancière leur donne même une touche cosmique puisqu’ils seraient des êtres venus d’autres planètes et se seraient incarnés sur la terre. Et les Aryens d’Hitler seraient des Hyperboréens de Thulé qui, ayant été les premiers habitants de la terre, veulent devenir les maîtres du monde.
L’auteure ne développe pas vraiment cette idée pour la bonne raison que son propos ne se situe pas là. Le sujet de son roman, c’est la passion dévorante et le thème de la réincarnation n’est abordé que de façon accessoire, parce qu’il offre diverses possibilités dont Yolande Villemaire sait admirablement tirer profit, qu’elle y croit fermement ou non.
Ainsi, ces vies antérieures complexifient les rapports entre les personnages et expliquent bien des choses. Tout apparaît aussi beaucoup plus nuancé dans les sentiments. En outre, ce procédé permet de montrer que l’être humain est conditionné par toutes sortes de déterminismes dont il a plus ou moins conscience. Il est tiraillé par des sentiments contradictoires de sorte qu’il ne saurait être réduit à une seule image. Il est marqué par le destin, ce qui le ramène constamment à sa condition humaine, mais il a aussi le privilège des dieux en s’incarnant dans d’autres corps à des époques différentes.
Enfin, cet artifice permet d’illustrer la tension qui existe chez l’être humain entre son désir d’immortalité, désir que l’âme peut satisfaire, et son plaisir d’habiter un corps mortel par lequel il peut vraiment ressentir le flux de la vie. Cette passion est tellement forte que Célia Rosenberg accepte les pires souffrances parce qu’elle sait qu’au-delà de l’horreur hitlérienne, il y a la promesse d’une autre vie et d’un autre amour auquel elle s’abandonnera entièrement. Célia Rosenberg est faite pour l’amour.
En somme, La Constellation du cygne, qui décrit l’histoire de la relation amoureuse entre Célia et Karl-Heinz Hausen, un officier nazi, pendant la Deuxième Guerre mondiale, est avant tout, à mon sens, un roman sur l’anatomie d’une passion et sur l’érotisme. Quelle oeuvre superbe malgré tout, autant par la pertinence des questions qu’elle soulève que par la qualité de son écriture.
Yolande Villemaire
La Constellation du cygne
Montréal, de la Pleine Lune, 1985, 179 p.
Claude JANELLE