François Barcelo, Aaa, Aâh et Ha ou les amours malaisées (SF)
François Barcelo
Aaa, Aâh et Ha ou les amours malaisées
Montréal, L’Hexagone, 1986, 256 p.
On peut ouvrir la bouche pour rire, ou sous l’effet d’une surprise, ou encore pour faire vérifier vos plombages ou vous en installer. Ou bien encore pour toute autre raison dirait Barcelo. Ou tout simplement pour avoir lu son dernier livre. Mais chaque fois qu’on ouvre la trappe, on risque d’échapper un son qu’on pourra rapprocher du phonème a, variable dans son intensité comme dans son émotion, selon l’une des situations évoquées ci-dessus. Et vous voilà dans le monde des a !
Ce joueur du a – et là s’arrête la référence -, c’est le narrateur de Barcelo. Un blagueur… amusant au début pour ses calembours, ses paradoxes et ses syllogismes, ses fantaisies descriptives aussi. Un conteur… astringent un temps pour sa caricature sociale, ses satires de moeurs, ses dénonciations de la stupidité humaine. Mais également un plaisantin dont l’humeur… acide ronge le récit plus que ne le font les célèbres pluies industrielles ailleurs. Le procédé devient abusif.
La mort permet à l’auteur de tirer – à mots portants – beaucoup d’effets humoristiques. Et il y en a de remarquables.
La gradation, depuis les petits assassinats gratuits jusqu’à l’élimination finale de la planète Coquecigrue, harasse le lecteur qui se lasse de ce jeu sadique et prévisible. Il pourra poursuivre consciencieusement la lecture afin de découvrir la manière dont cela se produira, mais le a exprimé finalement pourrait être celui du soulagement.
Ce roman n’est toutefois pas sans mérites. Il est certes malaisé de l’aimer sur toutes les lignes, mais on doit reconnaître que Barcelo, à travers ses circonlocutions, conserve un style alerte et agréable. D’autre part, il vous est loisible de jauger son art de conteur. Les chapitres, généralement brefs, peuvent s’extraire de leur contexte romanesque et se lire pour leur contenu propre. À haute voix. Et c’est là, en soi, l’une des réussites de cette écriture.
Georges-Henri CLOUTIER