Jascques-Laurent Marchand, Le Secret du Mesa Verde (SF)
Jacques-Laurent Marchand
Le Secret du Mesa Verde
Verdun, Louise Courteau, 1987, 380 p.
Lorsque j’ai fait part au coordonnateur de Solaris de mes premières réactions au livre qu’il m’avait confié, il m’a suggéré de ne pas m’étendre en longueur sur les aspects stylistiques de l’œuvre puisque l’excellence littéraire ne compte manifestement pas parmi les ambitions de l’auteur. Il semblerait pourtant nécessaire que quelqu’un fasse le procès de son écriture, d’une platitude et d’un creux à faire hurler. Marchand aurait besoin de suivre un cours intensif d’écriture, ou de participer à un atelier d’écriture de plusieurs semaines. Cela dit, on peut passer à la mission que se donne l’auteur, celle qui se résume en deux mots : roman initiatique.
Les extraterrestres sont parmi nous, ils ont établi des postes ici et là sur la Terre, au cœur du désert du Colorado dans le roman ; le foyer de leurs opérations locales est le piton rocheux appelé Mesa Verde, aux pieds duquel vient mourir James Watson, dès les premières pages. Mais il sera sauvé par les extraterrestres qui feront de lui un de leurs Grands Initiés, membre du réseau d’agents qu’ils maintiennent sur la planète pour garantir sa sécurité et préparer la race humaine à son accession à un niveau d’évolution plus élevé.
Vous avez déjà une idée du roman : le retour de Robert Charroux et d’Erich Von Dàniken… L’auteur croit à son propos, il veut manifestement nous convaincre de l’existence des ET sur Terre ; son roman est animé par une sincérité fébrile, un désir de convaincre. Il force tellement pour arriver à ses fins, que ça ne fonctionne pas ; au lieu de soulever des hypothèses et des possibilités, puis de les discuter par la biais de la fiction, il présuppose la croyance aux extraterrestres par tout lecteur ; je n’ai aucune objection à admettre la possibilité de l’existence des ET, et même de leur présence sur Terre, mais la naïveté et le manque de sens critique qui dominent ce rabâchage de théories discréditées a de quoi dégoûter.
Oui, je sais, je suis très violent. J’ai probablement été surtout irrité par l’odieux mélange de charabia scientifique et de confusion technologique qui prévaut dans le roman ; quand cessera-t-on de nous fourguer les même ficelles terminologiques et bêtises théoriques pour faire vrai ? L’auteur n’a de toute évidence pas digéré les textes scientifiques qu’il a lus ; il n’en a gardé que des mots qui sonnent bien à l’oreille, comme des incantations, sans en retirer le message. On constate aussi sa méconnaissance des questions scientifiques par la manière dont il dépeint ses personnages principaux, qui n’ont d’« éminents savants » que le titre donné en quatrième de couverture ; si on n’apprenait pas en page 11 que Watson est un « brillant ingénieur, spécialiste en physique nucléaire », on pourrait le prendre pour un simple fonctionnaire.
Ce type de roman me semble dangereux : d’abord par les énormités et les faussetés qu’il véhicule, puis par l’image totalement biaisée et déformée qu’il donne de la science, des scientifiques et même de la science-fiction. Il n’a de la science-fiction que les accessoires d’apparat, malheureusement plus que défraîchis, complètement dénaturés.
Mike ARCHAW