Louis-Bernard Robitaille, La République de Monte-Carlo (SF)
Louis-Bernard Robitaille
La République de Monte-Carlo
Paris, Denoël, 1990, 288 p.
Résumer ce premier roman de Louis-Bernard Robitaille, correspondant à Paris pour La Presse depuis maintenant 18 ans, n’est pas une tâche facile. Car s’il est vrai que deux fils conducteurs distincts trament le récit, Robitaille prend soin de les explorer le moins possible : le flou et l’imprécis sont au rendez-vous. Il s’agit d’abord d’une histoire d’amour, un amour ponctué d’absences : la dame aimée, Vénus Lambropoulos, ne cesse de se dérober aux désirs du narrateur, voué dès lors à une quête incessante. Elle disparaît, revient et repart, sans avertissement et sans raison apparente. À la toute fin du roman, une lumière, si faible soit-elle, sera enfin jetée sur cette femme.
D’autre part, ce drame d’un amour impossible se déroule dans l’Europe cauchemardesque du XXIe siècle. Déportation, épidémie, état de siège se succèdent et dévastent ce monde qui « a beau être ébranlé de milles secousses, il est au fond increvable ». Pourtant il menace à chaque heure de s’éteindre sous les coups d’une guerre définitive dont le lecteur ne connaîtra à peu près pas les enjeux. Au plus comprend-on qu’un conflit politique entre la République de Monte-Carlo et Paris génère un peu partout une terreur croissante que des régimes totalitaires (dirigés par des chefs de clans s’apparentant davantage à des bouchers fanatiques) ont soin d’adopter comme « méthode de gouvernement ». Il est question que la République s’attache à la Démocratique populaire du Nord le 31 décembre 2008. Mais les négociations s’éternisent, aussi cette date demeure-t-elle obsédante jusqu’à la fin du roman, car tout indique que l’apocalypse aura lieu le lendemain.
Il serait vain de chercher à tirer de cette agitation politique quelque précision. Un voile épais recouvre ce qui ne s’avère finalement qu’une simple toile de fond, un prétexte à mettre en scène des personnages étranges, sinistres et imprévisibles (vagabonds, mutants…) qui bien souvent restent aussi insaisissables que le monde dans lequel ils évoluent. Cet univers n’est pas sans rappeler l’atmosphère oppressante et irrespirable que l’on retrouve souvent chez Bilal. D’ailleurs, il est possible de rapprocher ce roman à l’univers BD.
Le récit se donne à lire sous la forme d’une lettre d’amour que Mister Z destine à cette femme qui lui échappe, ou encore sous celle d’un testament, dernier témoignage d’une époque finale, qu’il rédige, « sentant la mort probable ». L’écriture est nerveuse, concise, émaillée d’humour et de réflexions amusantes. Or le récit se déroule à grande vitesse, refusant l’approfondissement des portraits et des situations au profit de la simple esquisse. Une vitesse qui me semble mal contrôlée : le roman, en somme, fait trop l’économie des personnages (auxquels on ne s’attache pas) et des situations (qu’on ne comprend pas). Mais ce qui agace davantage la lecture, ce sont les sinuosités chronologiques. La narration effectue des sauts dans le temps qui sont plus ou moins heureux, et qui n’apportent au récit que bien des circonvolutions inutiles. Si bien que souvent le lecteur perd pied et doit soit retourner au texte pour tenter d’y voir clair dans tout ce brouhaha de politicailleries, de magouilles et d’événements tragiques, soit patienter jusqu’à ce qu’on lui explique au juste de quoi il retourne. Il en résulte un récit échevelé qui rend à la longue la lecture fastidieuse, malgré le ton léger de la narration.
« Ce livre n’est pas un roman de science-fiction mais un roman d’amour » dit le communiqué de presse. Il est patent que Robitaille n’a puisé dans la SF qu’une atmosphère au premier degré afin de donner à cette passion amoureuse une mesure moins commune, parce que plaquée sur un fond apocalyptique. Je dis « plaquée » à dessein puisque le rapport entre l’histoire politique et l’histoire d’amour paraît bien mince tout le long du roman (même si on apprend à la toute fin que Vénus était impliquée dans un trafic d’armes). Cette atmosphère permet peut-être à Robitaille d’affirmer principalement que dans les pires situations, la vie poursuit infailliblement son cours. C’est décidément moins le cas en ce qui concerne la lecture de La République de Monte-Carlo.
Fabien MÉNARD