Robert Choquette, Le Sorcier d’Anticosti (Fa)
Robert Choquette
Le Sorcier d’Anticosti
Montréal, Fides (Bibliothèque québécoise), 1989, 125 p.
La collection BQ vient de republier une œuvre de Robert Choquette parue en 1975. On y retrouve les même seize textes sélectionnés alors – et remaniés pour édition en livre – issus d’une série radiophonique d’une vingtaine d’émissions présentées sur les ondes de CKAC en 1932 et 1933. Ces contes et légendes sont présentés par Aurélien Boivin qui reprend là le contenu de son article publié, pour ce même volume, dans le Dictionnaire des Œuvres littéraires du Québec, tome III. Le recueil contient également une « chronologie » – établie par le même présentateur – qui s’arrête en 1973. Rien donc ne vient éclairer le lecteur sur la vie de Choquette depuis cette date. L’auteur du Sorcier d’Anticosti a aujourd’hui plus de 85 ans. Une mise à jour aurait sans doute amené au public quelques détails sur cet honorable doyen de nos lettres. BQ n’a guère fait d’efforts pour réactualiser cette « nouvelle » édition, malgré que le livre en soit à son 15e mille.
Robert Choquette, précise-t-on dans la présentation, a accepté « de remplacer la forme dialoguée de (s)es récits par celle de la narration avant de confier son recueil » (p. 8) sélectif à une maison d’édition. Nous ne sommes pas en mesure de constater les différences entre la version radiophonique et celle imprimée, mais la lecture de cette ré-édition est agréable, même à haute voix, ce qui témoigne de l’oralité du style de l’auteur. Choquette demeure un conteur à la phrase vivante et souvent humoristique. Il crée ainsi une complicité, de clins d’œil et de sourires, avec son lecteur comme le conteur oral d’autrefois le faisait avec son auditoire captif et captivé.
C’est dans notre folklore qu’ont été puisés les fondements que Choquette a utilisé pour rédiger ses émissions. Certaines, très célèbres, sont peut-être connues aujourd’hui des plus jeunes. La chasse-galerie et Rose Latulipe nous semblent les plus susceptibles d’avoir atteint les générations qui nous suivent ; et celles qui nous précèdent sauraient sans doute nous entretenir de loups-garous, de prêtres ou d’indiens fantômes.
Ce matériel donc, Choquette l’a repris et modernisé pour ses auditeurs, ses lecteurs. Bien sûr, au XIXe siècle, le conte surnaturel avait un impact sur l’imaginaire religieux du peuple et sa fonction en était souvent une d’édification. Aujourd’hui, on ne fait plus peur à grand-monde avec les mêmes fables. Cela l’auteur l’avait bien compris et c’est souvent avec un grain de sel bien rationnel qu’il désamorce le fantastique de la plupart de ses récits. « Mais pour prendre plaisir à une histoire, il faut faire semblant d’y croire. Faisons donc semblant » (dans « La Sainte-Catherine de Colette » p. 37).
C’est un jeu, tout à fait temporaire, auquel le conteur convie sa communauté. Le lecteur n’a qu’à se laisser aller dans cette écriture aisée où chacun des récits tient entre cinq et sept pages.
Le Sorcier d’Anticosti témoigne par sa facture, nous semble-t-il, d’une certaine évolution de la notion de fantastique. Passons-nous, avec Choquette, d’un fantastique canonique – personnages surnaturels, événements insolites – à un fantastique moderne – où le discours crée sa fantasticité ? La réponse mérite une étude plus approfondie que le bref survol auquel nous devons nous confiner. La réédition de ce petit volume aura alors plus qu’un intérêt purement documentaire.
Georges Henri CLOUTIER