Alain Bergeron, Le Chant des Hayats (SF)
Alain Bergeron
Le Chant des Hayats
Montréal, Paulines (Jeunesse-Pop #83), 1992, 158 p.
Anubis-7 est, selon les critères terriens, une planète infecte : « Les quatre cinquièmes de la planète sont couverts d’une grande mer sale et empoisonnée. Le reste ne vaut guère mieux : quelques îles et une sorte de continent au nord, avec des lacs marécageux, des étendues de terre vaseuse, pleines de bestioles rampantes et de plantes lourdes, à moitié pourries (…) avec des odeurs à donner la nausée… » Voilà comment Ian Colin, ingénieur planétologiste, décrit à son fils David l’endroit où il travaille. Cela ne l’empêche pourtant pas de l’inviter à y passer ses vacances !
David se doute qu’il y va pour une autre raison. C’est la zoologue Lysia Wen qui le renseigne involontairement ; comme il est télépathe, on veut qu’il découvre si les Hayats rencontrés sur la planète sont une espèce intelligente. Le travail de terraformation d’Ian Colin, pour la compagnie minière Syridar, menace leur survie. Les Hayats ne semblent pas être autre chose que de grosses loutres sans organisation sociale ni forme de communication excepté ce chant si troublant qui leur est particulier.
Avec Lysia Wen, David découvre que les Hayats sont des êtres sensibles et télépathes. La Charte de la colonisation des mondes oblige donc Syridar à interrompre les travaux qui menacent leur existence même. Ce qui ne fait pas l’affaire d’Hogur Kirmani, le directeur du site Alpha où les Hayats étaient jusque-là pourchassés à coups de canon-laser.
Tous les éléments destinés à servir plus loin dans le récit sont expliqués dès le début, même si on ne se rend compte de leur pertinence que plus tard. L’auteur joue cartes sur table, ce qui permet au jeune lecteur une compréhension de tout ce qui se passe. Le roman n’est donc pas une intrigue à mystère, mais une course contre la montre à la Die Hard.
Les personnages sont un autre point fort. Il y a les bons, purs et justes qui ne cherchent que le bien, et les méchants, retors et égoïstes, mais il y a aussi ceux qui agissent pour le bien des héros non par gentillesse mais parce qu’ils y trouvent leur intérêt. L’inspecteur de la compagnie Syridar, par exemple. Le lecteur est porté à croire la compagnie insensible et exclusivement soucieuse de profit. Mais en fait elle respectera la Charte de la colonisation des mondes, sans se faire prier… et ce, par intérêt capitaliste ! Les personnages s’en trouvent plus crédibles, plus proches de la réalité.
Le dénouement m’a laissé une très bonne impression, parce que ce n’est pas l’habituel « tout est bien qui finit bien » alors que les méchants sont punis. D’accord, les héros sont sauvés et le méchant voit tous ses projets anéantis, mais les Hayats ne sont pas entièrement sortis du pétrin, à la fin du roman. Il reste de l’espoir pour eux, plusieurs solutions qui leur permettraient de survivre, mais on ne sait laquelle sera choisie, ni si elle tournera bien pour eux.
Le Chant des Hayats est une merveilleuse histoire. Elle ne se démarque pas par son originalité, certes. C’est un mélange de plusieurs thèmes rencontrés dans d’autres livres – un développement minier qui entre en conflit avec les indigènes d’une planète ou un jeune adolescent qui est le seul à pouvoir communiquer avec des extraterrestres – mais le roman est tellement bien fait que cet aspect reste secondaire.
Julie MARTEL