Alain Marillac, Le Mur des volontés (SF)
Alain Marillac
Le Mur des volontés
Lasalle, Hurtubise HMH, 1992, 163 p.
Après tout le mal qu’Alain Lortie avait dit de cette série (voir Solaris #98), j’avoue que j’attendais le dernier-né avec une brique et un fanal. Eh bien, surprise ! Si l’on accepte en partant une vision du monde à la Ghostbusters, où les apparitions n’étonnent personne et où les parapsychologues font figure d’autorités scientifiques, je dois admettre que les intellectualisations de Marillac me changent des histoires fantastiques dominées par les combats épiques et le surnaturel dégoulinant.
Qui plus est, l’aventure démarre en trombe, dans un cadre exotique exploité avec compétence : un nouveau type de bombe est testé en Israël, et les vibrations qui se propagent libèrent les formes-pensées que les prières des fidèles avaient jusque-là enfermées dans le mur des Lamentations. Grâce à celles-ci, des miracles se réalisent l’un après l’autre et il semble – bien que ce soit à peine expliqué – que les conséquences pourraient être fort néfastes pour les générations à venir.
Là où ça se gâte, cependant, c’est quand on réalise que les 125 premières pages (sur 163 !) ne font que nous présenter une multitude de légendes musulmanes, de jeux de mots hébraïques, d’écritures saintes et de bijoux symboliques sans véritable rapport avec la résolution du conflit. Pis encore : pendant tout ce temps, le héros agit comme une simple marionnette, téléguidée tour à tour par ses rêves, par des êtres du futur, par des érudits locaux et par un fantôme bienveillant. Après un bref affrontement qui a tout d’une concession peu enthousiaste aux clichés des « livres dont vous êtes le héros », il se métamorphosera on ne sait comment, et l’énergie ainsi dégagée fera tout rentrer dans l’ordre, on ne sait pourquoi.
De nombreuses autres fausses notes truffent les aventures de ce playboy supposément détaché des biens de ce monde (mais qui ne se déplace qu’en avion, en BMW ou en Jaguar). Tantôt, c’est une potion passe-muraille qui apparaît dans sa poche, juste au moment où il en a besoin ; tantôt, ce sont les formes-pensées qui se cantonnent dans un rôle secondaire, une sorte d’attraction touristique qui n’altère en rien la routine des cafés environnants. Et pour couronner le tout, la narration tombe un peu trop souvent dans l’abscons, genre « il éprouva l’idée de contraction de l’espace » et « le passage dégageait une énergie polarisée, inhumaine ».
En bout de ligne, oui, la brique mérite d’être lancée. Et comme j’ai failli aimer ce roman, le constat n’en est que plus douloureux. À lire à vos risques et périls !
Charles MONTPETIT