François Jobin, Max ou le sens de la vie (Fy)
François Jobin
Max ou le sens de la vie
Montréal, Québec/Amérique, 1992, 253 p.
Il y a des questions plus insolubles que d’autres, et dont les réponses, croit-on, doivent être cherchée au loin alors que rien n’interdit qu’elles soient tout près. On se convainc que la vérité n’est jamais chez nous, mais là-bas, au bout du monde, dans quelque endroit obscur. Et c’est ce voyage à la recherche de la vérité que nous montre le premier roman de François Jobin, qui jusqu’à maintenant s’était consacré au monde de la télévision en tant que réalisateur.
Quel est le sens de la vie ? Telle est la question qui s’est accrochée au jeune esprit de Max comme la moule au rocher. Avec ses douze ans en bandoulière, Max quittera son village, Sonatine-sur-Privilège, endormi au creux d’un cratère, pour aller de par le monde donner satisfaction à cette ô profonde interrogation. Son besoin de tout abandonner et de partir trouve son origine dans une représentation du cirque Pavoni, où on met au supplice, entre autres, une malheureuse fille-tronc que l’on présente sous le nom d’« otarisignorina ». C’en est trop pour Max qui se demande où l’homme peut bien puiser une telle cruauté. « Il a bien des choses à apprendre, ce petit, dit Dieu. Mais je trouve rassurant de le savoir inquiet » (p. 37). Et le périple de Max de se dérouler sous le regard bienveillant de l’Auguste Créateur, qui commentera « divinement » le récit.
Francois Jobin nous invite donc à accompagner dans son voyage ce petit Max au regard innocent et pur, qui souffre de sa propre étrangeté dans une monde dont le principal carburant est la bêtise. Un monde fantaisiste, où règne en maître l’imagination rafraîchissante de Jobin, et qui n’est bien sûr que la copie déformée du nôtre. Max y rencontrera une galerie de personnages aux allures inattendues, avec lesquels, tour à tour, il aura un brin de causette : un arbre qui parle et qui recherche la chaleur humaine ; un troupeau de roches, dressées tels des monolithes ; un dinosaure appelé Gabou qui a échappé à la fossilisation de sa race pour avoir aimé la vie ; Adam lui-même, un colosse pas plus intelligent qu’une bûche, dont on assistera au réveil de la mémoire.
On le voit, le roman de Jobin s’apparente au conte philosophique. On pense aussi au Petit Prince, mais en moins naïf et à l’écriture plus riche, émaillée d’images, tout en demeurant simple et limpide. Il est clair que Jobin s’est gardé d’écrire une histoire moralisatrice, bien qu’elle soit tout entière morale, c’est-à-dire qu’elle montre que l’homme, au monde qui s’offre à lui, ne peut qu’opposer des valeurs, que les questions que le monde lui pose sont toujours morales, et que la recherche de la vérité, aussi loin irions-nous pour la trouver, n’est jamais que la recherche de soi. Parce qu’au fond, le voyage qu’entreprend Max ne s’effectue nulle part ailleurs qu’en lui-même, dans son propre monde intérieur. Mais c’est déjà faire dire beaucoup à cette histoire qui propose au lecteur moins des réflexions philosophiques qu’une douce évasion dans l’imaginaire.
Fabien MÉNARD