Glenn St-Yves, Trois Vieilles (SF)
Glenn St-Yves
Trois Vieilles
Québec, Arion (Un monde insolite), 1992, 273 p.
Ratiocination : abus du raisonnement ; argument ou raisonnement vain. Ratiociner : se perdre en considérations ou en discussions interminables. Voir : ergoter.
Non, ce n’est pas exactement ça, en tout cas ce n’est pas seulement ça. Essayons « divaguer ». Divaguer : penser ou parler sans sujet précis. Parler d’une manière absurde. Tenir des propos incohérents. Divagation : propos décousus, action de l’esprit qui erre en dehors d’un sujet précis.
Ah, voilà, on se rapproche.
Il y a aussi « déparler » : parler à tort et à travers, sans discernement.
Je propose aussi, comme synonyme de « publier Trois Vieilles » : gaspiller du papier.
Mais, halte, quel est donc le roman que je tente de définir ainsi ? De quoi parle-t-il, d’abord, que raconte-t-il ?
De quoi voulait parler St-Yves, je ne le sais pas, même après avoir lu son bouquin. Quant à l’histoire, voici : trois vieilles placotent sur un banc de parc et s’intéressent à ce qui se passe autour ; ce sont des mortes, des fantômes. L’une récite des consignes, l’autre fait des incursions dans et autour du parc. Elles sont appelées : la Centrale, la plus Grosse des deux petites et la Nouvelle. Il est aussi question de la vie d’un parc et des diverses catégories de commères qu’on y rencontre (vivantes, celles-là).
Mais je reviens à mes définitions. J’allais oublier de fournir une ou deux citations en guise d’exemples, comme le font les bons dictionnaires. Pour « ratiociner », je propose ces quelques phrases de la page 36 : Pour chaque Germaine, on comptait deux Armandes. Les Armandes fonctionnaient en duo. Jamais au grand jamais une Armande ne sortait sans son autre Armande, ce qui chez les Germaines était relativement courant. Les Germaines ne suivaient aucune loi pouvant les caractériser.
Pour « divagation », nous citerons, aux pages 30 et 31. Les « ma femme » titubaient le soir dans les ruelles, voulant éviter leurs « mon mari » pour assouvir les cœurs de leur « mon mari » qui voulaient savoir qu’elles n’étaient pas les seules à vivre le martyre du « Ma femme, ch’pas saoul. »
Et maintenant, « déparler » (p. 38) : Plus que trois à marcher côte à côte et évoluant dans une même direction se qualifiaient d’un autobus.
Ou encore (p. 255) : Plusieurs de sources exotiques, la vieille eut mal à choisir le parfait endroit pour reprendre souche avec sa vie antérieure.
Trois Vieilles représente en somme un nouveau phénomène physique, une sorte de matérialisation du vide sous forme de pages imprimées.
Comment meubler le vide ? Le premier chapitre, par exemple, traite abondamment des 713 Énoncés qui régissent, apparemment, l’acte d’être assis sur un banc (ou plus largement, la période transitoire qui suit la mort).
Outre le sentiment de perdre absolument mon temps, j’ai été irrité encore davantage par le fait que les dialogues étaient écrits en joual. Seules quelques perles m’ont fait sourire un instant, perles du genre « ère glacière » en parlant d’une période où le soleil aurait brillé moins fort (p. 30) ou encore « puéril quadrupède » pour désigner un bébé (p. 41).
Mais qui suis-je pour juger ? Peut-être avais-je sous les yeux du « baroque » ou du « postmoderne » sans même le savoir, et peut-être étais-je trop con pour l’apprécier.
Daniel SERNINE