Philippe Gauthier, Le Destin de Qader (Fy)
Philippe Gauthier
Le Destin de Qader
Montréal, Paulines (Jeunesse-Pop #81),
1992, 144 p.
Voici la fin de la trilogie de Qader. Il est indispensable d’avoir lu les deux premiers volumes avant d’aborder Le Destin de Qader. De toute façon, les habituelles notes infrapaginales vous y inviteront à l’occasion.
On y retrouve Alys et Télem, dépositaire de l’anneau de Qader, tous deux revenant de leur dernier affrontement avec le duc-magicien Prentziq. Mais ce sont à peu près les seuls éléments qui nous rappellent les livres précédents, car Le Destin de Qader est très différent des deux autres.
On sent une évolution : le premier livre présentait la philosophie de Qader, le deuxième utilisait la magie pour la défendre, et le troisième lui cherche de nouveaux buts. Car, maintenant que tous les magiciens renégats sont convertis ou en train de l’être, la magie telle que la concevait Qader ne sert plus à rien et il est à craindre que certains magiciens se remettent à la pratiquer par simple oisiveté, ramenant ainsi le chaos. Il est donc impératif de chercher à compléter la philosophie de Qader. Et qui mieux que Télem, héritier spirituel du grand penseur, pourrait réussir dans cette tâche ardue ? Il se met à étudier, avec l’aide de son amie Alys, les vieux manuscrits trouvés dans la crypte funéraire de Qader ; leurs recherches devront se poursuivre du côté de Mirghul, la ville où Qader semble avoir vécu.
Là, un autre aspect s’ajoute à la magie : la science et les progrès techniques de Mirghul. Un peu plus loin, un deuxième aspect s’ajoute, inattendu, et beaucoup plus important pour la suite du récit : l’univers des contes de fée celtiques, alors que Télem et Alys s’aventurent dans une mystérieuse forêt à la recherche du destin de Qader.
On y retrouve des fées, des gobelins, des trolls, des leprechauns (sortes de lutins, merci pour l’explication en bas de page !) et d’autres éléments du folklore anglo-saxon, en plus d’un bonhomme jovial chantant sans cesse et vivant en forêt dans une demeure avec sa fille (ils ne sont pas sans rappeler Torn Bombadil et Baie d’Or, du Seigneur des Anneaux). Heureusement, comme les jeunes lecteurs du Destin de Qader n’auront pas lu Tolkien pour la plupart, ces personnages devraient leur plaire avec tout le charme de la nouveauté.
Le Destin de Qader n’est pas le meilleur de la trilogie. Il apporte une conclusion plutôt surprenante, mais quand même tout à fait adéquate pour toute l’histoire. Bien meilleure, en tout cas, que le traditionnel « ils se marièrent, eurent de nombreux enfants qui devinrent des magiciens consciencieux, et vécurent heureux jusqu’à la fin de leurs jours ».
Ne vous attendez pas à des combats de magiciens comme on en a vu dans Le Château de fer. Le troisième livre renoue avec l’atmosphère du premier : c’est plutôt de réflexion et de sentiment qu’il s’agit.
De plus, il faut une bonne dose de naïveté pour avaler la conclusion optimiste de Télem et d’Alys. C’est que l’auteur nous a, d’une certaine façon, amenés à voir son monde comme ce qui existait avant le nôtre, en nous montrant un début de révolution industrielle à Mirghul. On se doute alors que les beaux projets des deux jeunes sont voués à l’échec. Mais je ne vous dis pas de quoi il s’agit ! Parce que la trilogie mérite amplement qu’on aille jusqu’au punch final si on peut appeler ainsi la fin douce et jolie, sans heurt, du Destin de Qader.
Julie MARTEL