Jean-Pierre Guillet, Destinées (SF)
Jean-Pierre Guillet
Destinées
Saint-Lambert, Héritage (Échos) 1993, 169 p.
Jean Pierre Guillet nous convie à un voyage à travers l’histoire de l’humanité avec ce recueil de nouvelles marquées au sceau de la SF. Les dix récits qui le composent sont autant d’escales où s’arrête le regard de l’auteur, regard qui remet en question – sans prétention, heureusement ! – ce que l’Histoire nous donne à croire comme Vérité. Ces dix arrêts sont guidés tantôt par le destin d’un personnage, fictif ou réel (Lancelot du Lac, Félix Leclerc, Charles Darwin, Adolf Hitler, Albert Einstein, H. G. Wells, l’australopithèque Lucy), tantôt par des circonstances extraordinaires (la catastrophe de Tchernobyl, par exemple).
Guillet met en lumière les coulisses de la vie d’un personnage. Il se penche par exemple sur les causes imaginaires de l’ambition démesurée du jeune Adolf Hitler, tissant des liens entre la genèse de sa folie, l’éclosion du génie d’Einstein et l’œuvre de l’écrivain H. G. Wells.
Par ailleurs, les éléments SF auxquels M. Guillet a recours dans Destinées sont, sinon naïfs, du moins très inspirés des gadgets dont se régalent les cinéastes. Détails non négligeables dans un livre de SF, mais secondaires selon moi. C’est le côté critique et visionnaire de Destinées par rapport à l’Histoire qui m’a le plus fasciné.
Non pas que Jean-Pierre Guillet possède la Vérité absolue et qu’il nous en ait révélé dix fragments. Mais son œuvre suscite la réflexion, elle fait une critique rétrospective, ou prospective dans certains cas, comme dans la nouvelle où l’auteur imagine un Darwin « reconstitué » vivant dans l’univers des robots, évolution oblige. C’est dans cette critique de l’historiographie que réside tout l’intérêt du recueil, que n’aurait pas renié à mon avis l’écrivain suisse Peter Bischel, qui excellait dans le même genre.
Dans une nouvelle comme « Marie : Le Grand Voyage », M. Guillet s’amuse à recréer l’atmosphère, les crises, les enjeux entourant la grande aventure de Christophe Colomb, tout en semant ici et là des allusions à la Bible. Il décrit ce voyage au moyen du journal de bord d’un membre de l’équipage affecté à une odyssée spatiale. Le but de l’expédition : vérifier que l’univers est en quelque sorte circulaire et qu’on peut revenir à son point de départ, la Terre.
L’humour occupe une place de choix dans plusieurs nouvelles et leur donne un caractère rafraîchissant. Je pense entre autres à « Robinson : L’Affaire Skyeye » et ses clins d’œil au classique de Defoe.
Jean-Pierre Guillet a ici donné à la SFQ des textes plutôt différents de ce qui s’écrit en général ; le résultat vaut la peine d’être lu, et pas seulement par les jeunes lecteurs. Le monde selon Guillet : frais, divertissant et portant à réflexion.
Simon DUPUIS