Claude d’Astous, La Licorne des neiges (Fa)
Claude d’Astous
La Licorne des neiges
Saint-Laurent, Pierre Tisseyre (Papillon), 1993, 109 p.
Isabelle, en visite à la campagne chez ses grands-parents, est mise sur la piste d’un animal blanc errant dans la forêt. Elle découvre une licorne, ce qui confirme les légendes recueillies par son grand-père. Il s’agit plus précisément d’une licorne télépathe et enceinte, qu’on emmènera (avec l’aide des jeunes oncles et tantes) accoucher dans le salon de la maison de Perreault. Le lendemain, Isabelle et ses grands-parents aideront le fabuleux animal à échapper à la convoitise des oncles qui l’on offerte au Biodôme et à un grand studio de cinéma.
Claude D’Astous pourrait signer, à propos de ce roman, un témoignage intitulé « Comment je suis passé à côté de la track ». Depuis Par ici la sortie de Paule Brière, aucun auteur n’était aussi bien parvenu à affadir le fantastique.
Au début du roman, les personnages soupçonnent que l’animal errant parmi les épinettes est une vache ou un cheval. Eh bien, la mise-bas d’une jument dans un salon aurait été moins banale que le récit que D’Astous livre ici aux jeunes lecteurs. Écrire que Claude D’Astous manque de sens dramatique serait une litote : chaque apparition de la licorne nous est livrée platement, comme si l’auteur voulait éviter que le jeune lecteur sente passer le moindre souffle de merveilleux.
Et ces dialogues ! Par moments, on croirait lire du Somain ou du Bouchard tant les échanges verbaux sont dépourvus de naturel. Les personnages ne sont que des concepts-qui-parlent : l’un représente la science, l’autre l’argent, l’autre le droit, que sais-je encore, et ça donne des répliques d’une page.
Pour ce qui est des sentiments, ils gisent sans doute sous la neige du titre : seule Isabelle se voit attribuer un peu d’émerveillement – une dose minime, des fois que ça déteindrait sur les lecteurs ! Quant à la stupéfaction, nulle trace : heureusement que les personnages adultes – se disputant une partie de billard au sous-sol tandis qu’ils savent qu’une licorne accouche au pied de l’arbre de Noël au rez-de-chaussée – s’échangent de temps à autre un « je suis très surpris » ou un « je suis incrédule », sinon on croirait que leur nièce a recueilli sur le perron une chatte enceinte (et qu’elle en trouve tous les mois).
Assis au salon devant la licorne gravide, oncles et tantes discutent tièdement de l’existence de ces animaux mythiques : « C’est scientifiquement impossible. Cette licorne ne peut exister. » (p. 77) « La preuve est sous nos yeux. Toute délibération est superflue. Isabelle avait raison. » (p. 78) Plus tard, chacun ouvrira ses cadeaux de Noël, puis ira se coucher.
Hormis celle de la couverture, les falotes illustrations sont à la hauteur du reste.
Encore une œuvre qui aurait dû rester dans la réalité virtuelle du tiroir.
Alain LORTIE