Stanley Péan, La Mémoire ensanglantée [Fa]
Stanley Péan
La Mémoire ensanglantée
Montréal, La Courte Échelle (Roman +), 1994, 158 p.
Difficile de dire quoi que ce soit au sujet de ce roman. Il m’a laissé curieusement indifférente. Curieusement, parce que j’y ai trouvé plusieurs éléments intéressants. C’est l’histoire de Leïla, une adolescente qu’on aurait souvent envie de gifler pour son effronterie, qui se trouve catapultée chez une lointaine parente pour jouer à la dame de compagnie, puisque la dernière a abandonné son poste. La famille a choisi Leïla pour la remplacer quelque temps, pour ne pas laisser Grannie Irma seule.
Les personnages m’ont beaucoup plu. Leïla a un caractère très vrai, on croirait qu’il s’agit de ma voisine… Et j’aime l’idée de nous la présenter à cheval entre le monde haïtien et le monde montréalais avant de nous la montrer aux prises avec deux réalités : la sienne et celle des phénomènes fantastiques que l’on devine vaudous (peut-être à tort, d’ailleurs, les indices de la provenance des phénomènes sont très flous). Et puis Grannie Irma est, comme le dit l’auteur, une « tatie Danielle » haïtienne qui ne manque pas de charme (pour le lecteur, bien sûr !).
De plus, la confrontation psychédélique entre Grannie Irma, Leïla et Nina m’a enthousiasmée autant que surprise. Je ne m’attendais pas du tout à une telle conclusion. Enfin, il se passait quelque chose d’original dans cette histoire ! Il est dommage cependant qu’on doive attendre jusqu’à la fin pour trouver quelque chose d’aussi intéressant…
Pour ces raisons, je ne peux pas dire que je n’ai pas aimé La Mémoire ensanglantée. C’est ce roman correct, qui est bien écrit. Ici intervient plusieurs « oui, mais… » classiques. Par exemple, comment sait-on si des traces de griffes sur une corbeille sont récentes ou non ? Comment se fait-il que Leïla ne s’étonne pas du fait que ses cheveux poussent très vite ? Et pour ce qui est de l’effet de surprise, c’est raté : on devine dès la première apparition du minet Gare-à-ma-queue ce que Leïla met tant de temps à comprendre. Ce ne serait pas si grave si l’histoire ne manquait pas aussi de ce petit quelque chose qui la rendrait passionnante, qui pousserait le lecteur à s’accrocher au livre jusqu’aux petites heures du matin simplement parce qu’il ne peut se résoudre à aller dormir sans savoir la fin…
C’est bien cela le problème : La Mémoire ensanglantée ne lève pas. On ne se sent jamais impliqué dans ce que vit Leïla et, à la limite, on se moque de ce qui va lui arriver.
Julie MARTEL