Yves Meynard, Un oeuf d’acier (SF)
Yves Meynard
Un œuf d’acier
Hull, Vents d’Ouest, 1997, 112 p.
Un œuf d’acier est un assez court roman (un récit, en fait) où David Mayer nous raconte son histoire. David a passé toute son enfance à Maïor-Akassin, une ville-état qui est dominée par des tours en son centre. Les castes sont déterminées par l’éloignement des citoyens par rapport aux Tours, les Hautes Familles habitant ces constructions. La cité est dirigée par ces Révolutionnaires, qui ont implanté un régime totalitaire depuis des décennies et ont censuré l’Histoire. Les matrices sont la seule technologie qui semble avoir survécu de l’ancien régime. Elles ne sont pas contrôlées par les citoyens de Maïor-Akassin, mais ils ont appris à s’en servir. Les matrices permettent d’archiver l’âme des morts, de reprogrammer les cerveaux de citoyens opposés au régime et d’utiliser les interfaces de réalité virtuelle. Jeune, David trouve un œuf de sidérurge, cet oiseau qui se nourrit de la rouille qui ronge les tours et qui pond des œufs d’acier. L’œuf d’acier représente la perfection de l’ancien système, la pensée réactionnaire, ce qui entraîne David et ses proches dans un tourbillon mortel.
J’avais qualifié Yves Meynard d’auteur prometteur ; ses plus récents romans démontrent sans conteste qu’il a maintenant dépassé ce stade. Un œuf d’acier nous plonge dans un univers aussi fascinant que terrifiant. Je crois que je n’ai d’ailleurs jamais dévoré un roman de hard SF aussi vite. La vision mordante d’un monde contrôlé par des réalités virtuelles qu’il développe exploite le thème sous un angle nouveau, différent, qui m’a beaucoup plus en tant que lecteur (probablement déjà trop habitué aux clichés qui habitent maintenant cette thématique).
Dans ce premier roman adulte, Yves Meynard réussit à la fois à créer un monde tout à fait différent du nôtre et à nous livrer un récit dans lequel on se sent familier dès les premiers paragraphes. Cette manière unique de raconter une histoire de SF pure sans s’embourber dans de longues explications ou dans du jargon m’avait déjà impressionné lors de la lecture du recueil La Rose du désert. Cette fois, la maîtrise du récit est encore plus forte. L’auteur réussit à nous fournir un dépaysement quasi total sans que le récit ne soit dépourvu de cette impression de familiarité. J’avais déjà noté la très grande souplesse des phrases d’Yves Meynard et tout le bien que je pensais du style de l’auteur. Je ne voudrais pas me répéter mais c’est un aspect de l’écriture de Meynard que je ne peux passer sous silence, tellement la forme fait partie intégrante de l’histoire, d’une certaine manière. Je cite à titre d’exemple ce passage, où Mayer se branche sur l’interface de la matrice funéraire. Une voix s’adresse à lui. « Une voix du tonnerre au goût de sel et luisante comme le mercure ». Dépaysant et familier à la fois.
On pourrait faire un seul reproche à Un œuf d’acier : c’est un roman trop court, on en redemande… !
Hugues MORIN