Marc Roberge, Les Affres des ressuscités des trois cimes (Fa)
Marc Roberge
Les Affres des ressuscités des Trois Cimes
Montréal, La Société des Belles Lettres Guy Maheux (Le Bateleur), 1976, 179 p.
La première remarque qui vient à l’esprit en découvrant que ce volume est bien un livre de SF est : « Comment un écrivain peut-il en arriver à trouver un titre aussi idiot (excusez-moi, maître, mais je ne trouve pas d’autre qualificatif) et comment, surtout un éditeur peut-il accepter (à moins que ce ne soit lui qui l’ait imposé…) un titre pareil ? » Ça me dépasse…
Ensuite, je n’ai pas trouvé ce livre en librairie malgré trois semaines de recherches et j’ai fini par le dénicher dans une pharmacie au rayon des périodiques, égaré entre deux collections de livres pornos (Dois-je préciser que ce sont les périodiques qui m’intéressaient à ce moment-là…)
L’histoire maintenant.
Pour Antoine Clouthier (oui, avec un h) major et espion, les ennuis graves commencent lorsqu’il meurt électrocuté avec son ami René lors d’une incursion mystérieuse dans le domaine des Trois Cimes sur lequel règne le très redoutable (?) Léo Levaque, savant de son état.
Levaque, ce génie dont on ne sait pas grand-chose sinon qu’il est génial, est entouré par une armée de robots féroces et se tient en contact télépathique avec l’Ordinateur, dont on ne sait pas grand-chose non plus.
C’est ainsi que les aventures rocambolesques de nos deux héros canadiens français, espions au service de l’armée canadienne (et on semble tenir au côté canadien de la chose) commencent… après leur mort atroce dans un champ de forces. Réincarnations successives et inexpliquées, dont certaines ne manquent pas de piquant, lutte à mort avec des fantômes de pirates venus de l’espace et qui prennent la forme de flammes vertes… on se croirait à nouveau plongé dans le monde extra vagant des pulps d’avant-guerre (Mais quelle guerre, diraient les méchantes langues…) Antoine Clouthier est une version à peine remaniée et modernisée de IXE 13 ou d’un quelconque Volpek recyclé…
Il ne fait aucun doute, malgré son titre remarquable qui suggère davantage les tribulations d’un fantôme atteint d’une rage de dent qu’une oeuvre d’anticipation, il ne fait aucun doute disais-je qu’il s’agit bien là d’une authentique œuvre de SF… Pas de danger de mélanger les genres : champs de forces, robots, extraterrestres méchants et conquérants, rayons verts et j’en passe…
Cet ouvrage est annoncé comme étant le premier d’une série à venir dont Mystère aux Trois Cimes (on va peut-être enfin savoir ce qui s’y trame et qui est Léo), Monstres sur Orphal (Aaaaah, voilà un titre) et Les Êtres noirs, toujours du même auteur.
Ce n’est pas (du moins ce premier volume) de la grande science-fiction. Les aventures de nos héros (????) de paille dénués de toute profondeur psychologique, sont absolument invraisemblables, tarabiscotées et dans la plus pure tradition du roman d’aventures à bon marché (ce qui est un comble, vu le prix de l’ouvrage…). Un amateur de SF un tant soit peu connaisseur ne manquera pas de relever toutes les sources et influences aussi osées qu’inattendues qui ont pu alimenter cette œuvre. On y retrouve en vrac, des traces certaines du Peseur d’âmes de Maurois (les allusions sont criantes…) du Ravin des ténèbres (I Will Fear No Evil) de Robert Heinlein et même j’ai relevé des analogies plus que frappantes avec un roman pour la jeunesse de Louis Sutal dont le titre est La Mystérieuse Boule de feu (Éditions Pauline). À un point tel que je me suis demandé si Sutal et Roberge n’étaient pas une seule et même personne. Ajoutons à cela un jargon pseudo-scientifique des plus ennuyeux et tape-à-l’oeil, des dialogues d’une platitude remarquable, et cela vous donne une idée évidemment peu flatteuse de ce dernier spécimen en date de la SF made in Quebec. Rien de positif ? Si vous mettez votre esprit critique dans un tiroir soigneusement calfeutré, si vous enfouissez dans votre mémoire toutes les références et allusions qui ne manqueront pas de surgir pour peu que vous connaissiez un peu vos classiques, peut-être aurez-vous la chance de vous laisser embarquer dans les aventures de ces messieurs les espions. Certains passages sont assez réussis et drôles. Mais l’ensemble est parfaitement dingue.
On verra bien les autres… Ah j’oubliais. Ce petit livre de 179 pages, mini-format, gros caractères, avec une couverture d’un goût douteux coûte la modi… que somme de $ 3.65
Norbert SPEHNER