Carol Boily, L’Odyssée sur Terre (SF)
Carol Boily
L’Odyssée sur Terre
Mont-Royal, Phidal, 1988, 283 p.
Imaginez une histoire romanesque qui débute en juillet 1951 et qui se termine en août 1988. N’en faites pas cependant vingt-cinq volumes, comme Jules Romains, mais un récit d’une honnête épaisseur qui va chercher dans les 250 pages de fiction. Préfacez vous-même et présentez votre œuvre ; « Actionnez » ; puis terminez par quelques pages d’un essai qui défendra votre contenu antérieur ; finalement, prenez donc un dernier soin à joindre à l’ensemble une courte bibliographie de références qui appuiera la séquence fiction et le commentaire final.
Le genre n’est pas tout à fait libre car vous devez « faire » dans la science-fiction ! Il vous faut mettre en relations au minimum une civilisation extraterrestre et celle de vos contemporains terriens. La vision du monde de vos personnages principaux sera pacifiste, voire même écologiste.
On pourrait ajouter quelques autres indications qui confineraient légèrement le récit mais, malgré les parentés imposées, votre imaginaire fécond aurait tôt fait – souhaitons-le – de se distancier des contingences et serait fort probablement bien différent, sous de multiples aspects, de la saga offerte par Carol Boily.
Il s’agit vraisemblablement d’une première œuvre. Celle-ci demeure touffue – trop d’éléments cantonnés en 250 pages, et l’auteur ne les récupère pas tous. L’écriture est de qualité variable mais l’auteur (et l’éditeur) semble(nt) méconnaître l’usage des signes de ponctuation.
Carol Boily entreprend son récit à la façon d’un space opera. Une guerre bactériologique provoque l’infertilité des habitants de Némésis, qui captent accidentellement une émission musicale d’origine terrienne, puis beaucoup d’autres. Cette connaissance indirecte de la Terre pousse les dirigeants némésiens à croire que la solution à leur problème de reproduction se trouve sur notre système solaire. D’où la décision d’y envoyer une expédition.
Les données techniques fournies par l’auteur rapprochent alors son récit de la hard science fiction et c’est à ce moment que débute véritablement l’odyssée promise en titre.
Comme il faut de l’aventure, l’arrivée sur Terre des plénipotentiaires de Némésis ne se fait pas sans heurts. Un autre larron entre en jeu et brouille un long moment les cartes. On peut penser qu’un élément fantastique s’inscrit dans le récit. En fait, on le découvrira à la fin de la lecture, il s’agit de croyances issues de la littérature ésotérique qui appuieront l’argument de l’auteur dans son livre désormais transmué en fiction spéculative. L’œuvre devient de ce fait quelque peu édifiante. Elle donne des leçons.
Il y a bien sûr un courant remarqué dans ce sens au Québec (en reprise) depuis quelques saisons. Il était souvent la marque de la littérature de jeunesse et il déborde aujourd’hui de ce champ. Le roman de Boily, sans être destiné spécifiquement à ce créneau jeunesse, pourrait plaire davantage à cette clientèle, en dépit de sa longueur. Mais pour nous, le discours pacifico-écologiste s’avère très (trop ?) manifeste.
Bien sûr que ce type de message demeure important pour favoriser une prise de conscience collective des limites de survie qu’impose un tel arsenal nucléaire et une vision non globale du développement planétaire. L’actuelle détente Est-Ouest, la perestroïka et les récentes modifications substantielles à l’IDS ne suffisent pas à éliminer tout risque de conflit majeur, il faut en convenir.
Et Carol Boily se sert de la fiction et de l’essai pour témoigner de ces (ses ?) craintes. Il fait de son volume une œuvre engagée. On peut admettre ou non, d’autre part, qu’un tel débat se poursuive à travers un prétexte de fiction. C’est un choix de lecteur, en plus que d’auteur.
La littérature générale, comme la spécialisée, sert de support aux idées et, reconnaissons-le, il n’y a pas de mots neutres. Mais il existe des façons de dire. On ne peut que souhaiter que ces discours dénonciateurs gagnent en subtilité afin d’être véritablement révolutionnaires et rejoindre les publics les plus divers sans provoquer de réticences. Ils seront ainsi plus efficacement agents de changement.
Georges-Henri CLOUTIER
Le 8 janvier 2024.
Je viens de lire la critique de mon roman L’Odyssée sur Terre par de M. Georges-Henri Cloutier. C’est plus de 18 ans plus tard et après son décès. C’est tellement regrettable de ne pas l’avoir rencontré de son vivant. Nous serions peut-être devenus des amis. J’envoie mes sympathies à toute sa famille et ses amis.
Carol Boily
Bonjour, monsieur Boily.
Cette critique de Georges-Henri a paru dans notre numéro 88, et donc en janvier 1989.
Croyez-bien qu’il aurait été très heureux de vous rencontrer et de poursuivre la discussion avec vous sur L’Odyssée de la Terre.
Bien cordialement,
Bonjour monsieur Pettigrew,
Encore une fois, je lis un texte concernant mon roman longtemps après sa parution. Je serai mort avant longtemps, puisque j’ai 82 ans, mais on parlera peut-être encore de mon livre lorsque je ne serai plus là.
J’aime lire ces commentaires, qu’ils soient bons ou mauvais. Je ne regrette rien, je suis fier de mon œuvre.
Amicalement,
Carol Boily
15 septembre 2024