Denis Côté, Les Yeux d’Émeraude (SF)
Denis Côté
Les Yeux d’émeraude
Montréal, La Courte Échelle (Roman Jeunesse #31), 1991, 93 p.
D’une émeraude à l’autre, venons-en au quinzième livre de Denis Côté. Un œil d’émeraude ? Non, il ne s’agit pas ici de l’œil d’une momie chinoise découverte par Bob Morane, mais du regard d’une chatte trouvée par le petit Maxime dans un parc. Une chatte qui a conquis le cœur du garçon et s’est gagné une place chez lui, malgré l’allergie du père de Maxime. Pas une chatte ordinaire, du reste : Émeraude (car c’est le nom qu’elle se donne) s’avère en fait un être sans corps physique, venu accidentellement d’une autre dimension et réfugié dans cette forme féline.
Ce serait le bonheur parfait si cet être télépathe n’était aussi très accaparant : en manipulant l’esprit de Maxime, en agissant aussi sur les camarades et les parents du garçon. Émeraude fait le vide autour de lui : ses meilleurs amis en viennent à le détester et à le fuir, sa famille devient hostile… Jusqu’à ce que Maxime, fortuitement retenu à distance de la belle Émeraude, ait un moment de lucidité et devine son jeu. En ramenant la créature dans le parc où il l’a trouvée, Maxime est brièvement contacté par le(s) parent(s) d’Émeraude, qui le rapatrie en excusant son comportement : le petit être n’avait que trois ans et tentait de s’assurer l’attachement exclusif de celui qui l’avait sauvé et protégé.
Il y a des valeurs sûres. Dans un roman de Denis Côté, on est toujours assuré de découvrir de petits bijoux de phrases (« Les arbres frileux tendaient leurs branches vers le ciel afin qu’il leur donne de quoi s’habiller au plus vite »). On retrouve des idées de base peut-être pas inédites (la finale me rappelle un des premiers épisodes de Star Trek, « Charlie X ») mais traitées avec intelligence, adresse et sensibilité. Et le sentimentalisme est toujours au rendez-vous, quoique rendu sobrement – si on me passe ce paradoxe –, avec mesure et avec une sorte de pudeur ou de retenue, qu’il soit question d’amitié ou d’amour (parental ou autre). Des qualités qui font regretter la dernière phrase du résumé de la couverture arrière : « … un roman tellement émouvant qu’on en a les larmes aux yeux ».
Alain LORTIE