Esther Rochon, L’Étranger sous la ville (Hy)
Esther Rochon
L’Étranger sous la ville
Montréal, Paulines (Jeunesse-Pop, 56), 1986, 128 p.
« Dans mon désir de comprendre l’essentiel de Jouskilliant Green, je l’ai suivi dans ses caves suintantes, parmi les araignées, je l’ai suivi jusqu’au bout de lui-même. J’ai arraché sa poussière, et j’ai trouvé du sang en dessous. J’ai arraché mon enfance et j’ai contemplé le monde. »
Seul, sous la ville en décomposition, errant dans les corridors creusés dans le roc d’où émerge la Citadelle, cet emblème d’une gloire passée, Jouskilliant Green recherche le silence. Las de porter sur ses épaules le renouveau d’un monde, il trouve la paix, parmi les araignées aveugles et les geôles vides. Il se retire de la vue de ses semblables. Dix-sept ans après sa descente, il est toujours là, se découvrant une identité nouvelle jour après jour, plus apte à faire face à la réalité qui le confrontera bientôt sous les traits d’Anar Vranengal, une jeune fille étudiant dans la ville.
Véritable roman initiatique, L’Étranger sous la ville suit la lente progression d’Anar vers le monde adulte, progression qui sera accélérée par l’apparition de Green dans l’univers de la jeune fille. Apprentie du sorcier Ivendra, elle cherchera à communiquer avec cet être à l’écart du monde, issu d’un passé déjà lointain pour elle. Leur confrontation sera pour l’adolescente un point tournant, réduisant en cendres ses rêves d’un héros. Elle ira pourtant au bout de son imagination, le suivant jusque dans son domaine ténébreux. Là, elle comprendra enfin les motivations de cet homme et deviendra, lors de son départ, la dépositaire de ces ruines d’un autre temps. Soulignant les ambigüités entourant la décadence d’un peuple et le désir de quelques-uns de le voir se relever, L’Étranger sous la ville est un livre superbe. À la fois roman de suspense et psychologique, il prend possession du lecteur et l’attire dans ce monde étrange des araignées blanches.
Le roman n’a pas du tout vieilli et s’adresse tout autant aux jeunes lecteurs d’aujourd’hui que de 1974. Je me refuse d’ailleurs à le cataloguer comme un livre uniquement « pour jeunes », L’Étranger sous la ville est un excellent ouvrage, qui mérite d’être lu par le plus grand public possible, jeune ou vieux.
Jean-Philippe GERVAIS