Jacques Lazure, Pellicules-Cités (SF)
Jacques Lazure
Pellicules-Cités
Montréal, Québec/Amérique (Littérature Jeunesse), 1992, 154 p.
Brousse, étudiant en archéologie, s’intéresse à la plus jeune de ses professeurs, Doretha, laquelle émet des hypothèses qui choquent l’institution universitaire : les films exhumés, d’après lesquels on a reconstitué des cités entières comme Gotham City, Casablanca ou le Pays d’Oz, ne seraient pas d’authentiques témoignages du passé mais des œuvres de fiction.
Et Batman n’aurait pas vraiment existé.
De telles idées menacent le pouvoir établi, en particulier celui de Garbo, tout-puissant directeur de l’Institut. Doretha, qui se dresse contre lui, se retrouvera emprisonnée dans une cellule du film Star Wars puis, à la suite d’une évasion, pourchassée en compagnie de Brousse, jusqu’à Oz d’où ils poursuivront leur lutte pour la vérité.
Vous croyez lire du Denis Côté ? Vous n’êtes pas loin du compte. Le vilain de l’histoire est tyrannique, ricaneur et loquace, « il veut que Gotham City redevienne ce qu’elle a été, une ville violente, pleine de bandits ». Un vrai méchant. La brave Doretha, dans sa croisade pour la lumière, est du genre héroïne naïve et droite : une fois découverte la preuve de la vraie nature du cinéma, elle va la brandir au nez du directeur-dictateur, persuadée que la Vérité suffira à le vaincre. Bien entendu, il savait déjà tout ça, et Doretha est tout étonnée de se retrouver au cachot.
Voilà pour la crédibilité des personnages. La convention de départ, elle aussi, est un peu difficile à accepter : les films seraient parmi les seuls objets à avoir survécu au passage du temps, au même titre que les abris anti-nucléaires, par exemple. Mais des vraies villes, avec leurs milliers d’édifices en béton et en acier, plus aucun vestige.
À vrai dire, après l’admirable Domaine des Sans-Yeux, finaliste au Prix du Gouverneur général 1989, Pellicules-Cités apporte une déception, de l’ordre des belles idées mal exploitées. Le peu de rigueur de l’écriture (« gruger » au lieu de ronger, « réflecteur » pour projecteur) n’ajoute guère d’éclat à ce roman. Bien entendu, ça bat des navets comme Le Secret du Lotto 6/49 ou Les Secrets de l’ultra-sonde, mais on était en droit d’attendre mieux de l’auteur des Sans-Yeux.
Alain LORTIE