Joceline Sanschagrin, Atterrissage forcé (SF)
Joceline Sanschagrin
Atterrissage forcé
Montréal, La Courte Échelle (Roman-jeunesse, 7), 1987, 94 p.
Le début est un peu déroutant : doit-on comprendre que Wondeur est capable de voler, toute seule, sans avion ni deltaplane ? Eh oui. Par surcroît, elle peut poser des diagnostics médicaux et faire des analyses biochimiques comme ça, au pif. En plus, elle parle toute seule.
Wondeur est une enfant trouvée. À douze ans, elle se met à la recherche de ses parents. Le début du roman nous la montre près d’un mur de briques rouges immense, qui touche aux nuages, jetant son ombre sur la petite ville dans la forêt. Pourtant, les habitants feignent d’en ignorer l’existence. Ils chuchotent tous, marchent nu-pieds, détestent le bruit et les enfants.
Wondeur finit par rencontrer un petit groupe d’enfants vivant clandestinement, qui lui raconte que le mur cache des milliards de tonnes de déchets radioactifs et chimiques, et quelques bombes atomiques, peut-être des monstres. Tout ça peut déferler si une vibration ébranle le mur – d’où l’oppressante consigne du silence. Avec l’aide de ses nouveaux jeunes amis et d’une femme nommée Kousmine, Wondeur trouvera le moyen de traverser le mur et y poursuivre la recherche de son père, que Kousmine croit avoir connu jadis et qui a disparu, peut-être de l’autre côté…
Émaillé des hideuses illustrations de Pierre Pratt, c’est un roman très bien écrit, d’une lecture sûrement aisée pour les jeunes. Mais certains n’aimeront peut-être pas que la fin soit si ouverte, l’intrigue si inachevée.
Plusieurs des personnages n’ont pas de nom : il y a entre autres « le petit gros », « les yeux gris ». Les pensées de Wondeur sont formulées avec un tiret, comme les répliques d’un dialogue.
La Courte Échelle n’a pas pris de chance et a classé ce roman « aventures ». Et effectivement ce n’est pas de la SF dans sa connotation traditionelle. Par certains aspects, cela évoque plutôt le fantastique moderne de certains sud-américains. Cependant, quelques – thèmes fondamentaux de la SF y sont, comme le décor d’une dystopie à la 1984 (en moins oppressant), et le désir d’aller voir au-delà, aller voir de l’autre côté, le désir de recherche et d’exploration.
Et puis, on peut faire une toute autre lecture du roman : l’infranchissable muraille serait le mur du silence qui entoure l’identité des parents naturels, pour une enfant adoptée, et la quête de Wondeur serait la naturelle recherche des origines. Ou peut-être fais-je ici un déchiffrage forcé ?
Alain LORTIE