Joël Champetier, Le Secret des sylvaneaux (Fy)
Joël Champetier
Le Secret des sylvaneaux
Montréal, Paulines (Jeunesse Pop), 1994, 165 p.
J’avais été conquise par les deux premiers romans de cette série de fantastique épique. Dans La Requête de Barrad et La Prisonnière de Barad, Joël Champetier avait su mettre en scène avec brio autant des personnages attachants que des péripéties captivantes. Et il y avait mêlé une telle dose de surprise que ses lecteurs ne pouvaient faire autrement que rester bouche bée en découvrant la conclusion. Après une telle réussite, inutile de dire que j’attendais la suite avec impatience et curiosité.
Le troisième livre, Le Voyage de la sylvanelle, m’avait presque aussi surprise que la fin du deuxième. C’est tout de même incroyable comment un auteur peut faire évoluer ses personnages d’une aventure à l’autre ! En fait, seule la princesse Melsi était demeurée l’enfant imprévisible qu’elle était… Malgré le fait que sa parenté se soit enrichie d’un sylvaneau, quelque part dans l’arbre généalogique ! Mais comme ce troisième volume n’avait pas répondu aux questions qui me poursuivaient depuis les deux « Barrad » et qu’au contraire de nouveaux points d’interrogation avaient fait leur apparition dans le paysage, je fondais de grands espoirs sur Le Secret des sylvaneaux.
Le titre me donnait à penser qu’enfin, j’en apprendrais plus sur cette race amorphe… Et certes, à voir le château blanc de la couverture de Jean-Pierre Normand, je soupçonnais que l’histoire y ferait écho, même si c’était loin de correspondre à ce que j’avais imaginé. Je n’avais pas tort. On apprend effectivement qui sont les sylvaneaux et comment ils vivent, de l’autre côté de la mer Géante, mais la découverte est un peu décevante. Ils ressemblent finalement beaucoup à des elfes, autant par leur beauté irréelle que par leur caractère. Entre eux, ils mènent une existence fastueuse et raffinée, mais Nestorien et ses compagnons les découvrent hautains et méprisants envers les humains. Fafaro et Melsi, pour leur part, font la connaissance d’une autre catégorie de sylvaneaux, qui personnifient en quelque sorte la noblesse des elfes. Comme ces derniers sont en complet désaccord avec la façon dont leurs frères et sœurs vivent, une guerre civile s’en suit et les voyageurs s’y trouvent mêlés, bien malgré eux.
Malheureusement, la parenté entre les elfes ne s’arrête pas là. Après avoir donné des sylvaneaux un aperçu jusque-là si original, pourquoi fallait-il que Joël Champetier leur fasse subir le même sort que les elfes de Tolkien ? Même Gandalf le Blanc est suggéré, c’est tout dire ! J’avais pourtant cru qu’enfin, une histoire de fantastique épique échapperait à l’influence du Seigneur des Anneaux.
Avoir attendu si longtemps pour connaître la fin et la trouver si différente de ce que l’on espérait cause un certain désappointement. Malgré la guerre, les péripéties ne sont pas enlevantes et la fin donne une impression de déboulade : tout se passe si vite qu’on se demande si l’auteur ne se serait pas senti à l’étroit dans ses 165 pages.
Et pourtant, je vais conclure en disant qu’à la relecture, j’ai beaucoup aimé Le Secret des sylvaneaux. Parce que lorsqu’on arrive à accepter que l’auteur n’ait pas imaginé de la même façon que nous les sylvaneaux, ou la résolution de l’intrigue, on est séduit par la douceur qui se dégage du roman. Plus que l’histoire elle-même ou le personnage de Diarmuid qui est intéressant. Alors que dans le tome précédent, les principaux acteurs de l’aventure étaient Nestorien et Fafaro – et aussi Melsi, un peu – et bien que ce qu’ils vivent soit toujours aussi important, c’est la sylvanelle qui est ici au centre du roman. Ce sont ses agissements qui amènent l’inattendu dont les lecteurs ont besoin. Et le personnage de Magot l’Extra, qui m’avait d’abord fait grimacer de dégoût, me semble maintenant… tout à fait savoureux !
Je ne renie pas ma déception. Ce que j’affirme cependant, c’est qu’il y a beaucoup à retirer du Secret des sylvaneaux quand on accepte de se laisser guider par un auteur dans les sentiers de son imagination, sans vouloir jouer au copilote.
Julie MARTEL