Luc Ainsley, Kadel (Fy)
Luc Ainsley
Kadel
Montréal, Fides, 1986, 155 p.
Chargé de surveiller la palissade qui interdit l’accès à la redoutable forêt de Cournaden, le garde Agaël se trouve malgré lui entraîné de l’autre côté par Ambar, l’un des neveux du roi. Ils se retrouvent captifs du monde souterrain de Volgor, gouverné par un Conseil qui veut réunir tous les objets magiques ayant appartenu aux Stellaires. Une jeune femme appelée Azurée, un petit voleur du nom de Puce et un garnement nommé Delator seront mêlés, avec les deux hommes, à la quête de l’épée Féremsil dans la cité cachée de Damnos.
Roman confus que celui-là, difficile à suivre en l’absence d’une ligne scénarique claire, ou du moins apparente. Bien des amorces demeurent sans suite, et les desseins de bien des personnages sont laissés en plan. Dans ce roman, la Quête a un objet, l’épée Féremsil, mais elle n’a pas de motif apparent, et le lecteur reste sur sa faim lorsqu’elle se trouve accomplie. L’auteur aurait d’ailleurs l’intention de donner une suite à Kadel.
La narration n’offre aucune énigme, la sorcellerie est (dé)montrée à mesure qu’elle s’accomplit, les masques sont enlevés dès qu’aperçus. La nature des Stellaires et de leur cité antique est établie dès le départ sans tentative de ménager un mystère ; il en va de même pour l’histoire de Volgor. Cela donne un récit singulièrement plat, sans tension et sans surprise. C’est une narration explicite, en ce qu’elle dit tout, même ce qui vient d’etre montré, ce qui a été compris, deviné, ce qui est évident – on pourrait presque dire : une narration lapalicéenne.
Le style du roman laisse là même insatisfaction : l’écriture manque de nerf, la narration lambine. Les modèles du genre fantastique épique semblent avoir été assez bien assimilés, mais ils sont maniés sans adresse par Luc Ainsley : les tournures maladroites sont plutôt fréquentes, elles trahissent une maîtrise incomplète de l’écriture, chez cet étudiant en lettres de l’Université du Québec à Chicoutimi. Dans l’intention médiévale de l’écriture, et dans le langage empesé des personnages, se glissent souvent des concepts et une terminologie contemporains, qui détonnent dans ce contexte pseudo-moyennageux. Les dialogues manquent tout à fait de naturel, ils sont rendus dans une langue très formelle, très académique, quelles que soient les circonstances, quels que soient les personnages, leur âge ou leur statut. Les sentiments des acteurs sont traduits d’une façon tout aussi conventionnelle, assez proche du roman courtois.
Remarquons aussi que Kadel n’a rien du roman pour jeunes : ni la clarté souhaitable de l’intrigue, ni les personnages avec lesquels le lecteur puisse se mettre en sympathie, ni la lisibilité du style. Je soupçonne que seul son genre (la fantasy) a autorisé le jury, en vertu des préjugés habituels, à le classer dans la catégorie « pour jeunes ».
Tout cela dit, le résultat d’un concours littéraire n’est jamais meilleur que la qualité des oeuvres soumises. Kadel est l’oeuvre d’un débutant et doit être considérée avec la clémence appropriée. Soit de lui-même, soit par la grâce des réviseurs de chez Fides, Luc Ainsley a une écriture correcte et, apparemment, il a du souffle. Il faut lui souhaiter que son style s’allège, prenne une teinte plus personnelle, et que sa thématique gagne elle aussi en originalité. Toutefois, même â titre d’encouragement pour un novice, j’aurais peine à recommander l’achat de KADEL.
Alain LORTIE