Marie Décary, L’Incroyable Destinées (SF)
Marie Décary
L’Incroyable Destinée
Montréal, la courte échelle (Roman +) 1993, 154 p.
Devinette : Lequel des synopsis ci-dessous ne relève pas de la science-fiction ?
a) en 1864, d’intrépides aventuriers visitent des grottes spectaculaires ;
b) en 1898, un pays tombe sous le joug de cruels envahisseurs ;
c) en 1984, un homme est scandalisé par les mensonges de son gouvernement ;
d) en 2000, un télépathe et une métamorphe se rencontrent dans la Cité idéale.
Réponse : d, bien sûr. Vous aurez reconnu les romans Voyage au centre de la Terre, La Guerre des mondes, 1984 et L’Incroyable Destinée.
L’incroyable qui, dites-vous ? Peu importe, vraiment : malgré ses artifices de surface, ce roman n’a pas sa place dans ces pages. Tout d’abord, le dos de couverture nous apprend que c’est une histoire vraie (?!). Et, une fois la lecture terminée, on constate qu’il s’agit d’une simple harlequinerie, où l’essentiel de l’intrigue consiste à accoupler le jeune héros avec une super-modèle à la beauté incomparable. The end.
En l’an 2000 ? Et les pouvoirs paranormaux ? Et l’utopie urbaine ? Bah ! Ces éléments sont mentionnés sans conviction et n’ont aucune incidence sur le récit. C’est tout juste si les personnages principaux se rendent compte qu’ils diffèrent de la norme ; apparemment, cela ne sert qu’à les jeter dans les bras l’un de l’autre (l’héroïne affirme que David « est le seul être humain qui puisse l’aider », mais elle ne nous dit pas de quelle façon… et elle ne fait jamais appel à ses services).
Oh, il y a bien un peu de pyrotechnie SF lorsque des publicitaires choisissent de remplacer la jolie super-modèle par une simulation vidéo revue et améliorée par ordinateur. L’histoire démarrerait-elle enfin ? Que non. Le succès international de l’entreprise n’a qu’un effet sur le scénario : il fait crever de jalousie les camarades de David qui connaissent ses liens avec la vraie madame. Le fantasme ultime, quoi !
Car c’est bien à ce genre d’imaginaire que l’on fait ici appel, et non à une anticipation de quelque type que ce soit. En effet, David est un grand romantique qui veut dépasser les visions réductrices que l’on trouve dans les revues porno, les cours d’éducation sexuelle et les « contes de fées pour bébés prématurés ». Fort bien. Peut-on au moins s’attendre à ce que cet aspect du livre soit relativement soigné ?
Hélas, ce n’est même pas le cas. En guise de femme rêvée, on nous offre un cliché absolu (elle est exotique, elle veut être riche, tout le monde ne parle que de ses jambes). Et en guise de prélude amoureux, nous avons droit à cet échange des plus réalistes, après un grand total de deux minutes de conversation :
« — Maintenant, dis-moi ce que tu désires vraiment.
— Mademoiselle, j’aimerais faire l’amour avec toi. »
Il n’en faut évidemment pas plus pour que les personnages passent aux actes. Notez, les jeunes, notez !
Rappelons que les romans de la courte échelle comptent parmi les plus lus au Québec. Mais puisqu’on y trouve des niaiseries de ce calibre, David ne devrait pas se demander pourquoi notre vision de l’amour est complètement fuckée.
Charles MONTPETIT