Claude Janelle (dir.), L’Année de la science-fiction et du fantastique québécois 1991
Claude Janelle et al.
L’Année de la science-fiction et du fantastique québécois 1991
Montréal, Logiques/Le Passeur, 1994, 256 p.
L’ASFFQ nous revient, sans intervalle indu depuis la dernière parution (commentée dans Solaris 106), mais encore avec un important retard sur son horaire. L’éditeur nous promet cependant une autre parution pour l’année 1994 : espérons qu’il pourra tenir sa promesse et gruger ce retard (qui doit quand même être un peu gênant, ne serait-ce que du point de vue marketing).
Cette parution est sous le signe du changement dans la continuité. Changements, car des trois cofondateurs, il ne reste plus que Claude Janelle. Denis Côté est parti il y a déjà quelques années, c’est maintenant le tour de Jean Pettigrew, devenu directeur littéraire chez Québec/Amérique, de quitter. Autre changement, plus regrettable pour le lecteur : la disparition du volet fiction. Regrettable, mais explicable : la publication de fiction compliquait le travail de la rédaction et gonflait le nombre de pages.
Pour le reste, la maquette reste à peu près inchangée, c’est à dire qu’elle est belle. L’objet est toujours aussi agréable à consulter et la partie critique est toujours faite avec soin. On peut toujours trouver à chipoter ici et là, à s’offusquer d’un occasionnel excès de sévérité, à s’étonner qu’une œuvre n’a pas été jugée assez kasher pour mériter d’être recensée (ce qui est le cas, j’estime, du texte « Les Effluves du passé » de Claude Bolduc)… Mais il faut reconnaître que les critiques sont franches, écrites par des personnes qui ont au moins une certaine connaissance des genres concernés, ce qui est loin d’être toujours le cas dans la critique mainstream. Soulignons surtout l’imposante contribution de Claude Janelle, auteur de 44 recensions sur un peu plus de 130. Quand on constate qu’il est également l’auteur du survol des études, des revues et des fanzines, on se dit que Jean Pettigrew doit lui manquer parfois. Heureusement, Stanley Péan et 15 autres rédacteurs, dont plusieurs membres de Solaris, ont mis la main à la pâte.
Selon L’ASFFQ, l’année 1991 aura été l’année de la production raisonnable, avec 149 nouvelles et 29 livres (dont seulement 5 pour les adultes). On y observe cependant un « glissement insidieux » vers la littérature jeunesse, au point de republier pour le public adolescent des recueils composés de nouvelles originellement écrites pour adultes, tendance qui se confirmera avec les années. Il s’écrit par contre beaucoup de romans originaux, notamment de fantasy (Philippe Gauthier, Joël Champetier), d’horreur (Denis Côté), de SF (Jean-Pierre Guillet, Camille Bouchard), de mystère (Francine Pelletier) ou de fantastique (Daniel Sernine).
Pour adultes, alors que « les vieux de la vieille » auront surtout republiés des nouvelles en recueils (Jean-Pierre April, Esther Rochon, Daniel Sernine et Élisabeth Vonarburg), plusieurs jeunots auront publié leur premier roman : Joël Champetier, Francis Dupuis-Déri et Stanley Péan. Pendant ce temps, Alain Bergeron, Yves Meynard et Michel Lamontagne continuent de nous offrir d’excellentes nouvelles, tandis que Jean-Louis Trudel se fait de plus en plus remarquer. Ajoutons à cela plusieurs recueils de nouvelles publiés par des auteurs tout à fait « hors milieu » (Michel Dufour, André Berthiaume et Jean-Pierre Vidal) et on aura une assez bonne idée de la production québécoise de 1991.
Un dernier mot pour parler des nouveaux auteurs : Natasha Beaulieu est consacrée « découverte de l’année ». Effectivement, non seulement s’implique-t-elle dans le milieu mais elle a publié depuis d’autres textes qui ne manquent pas de qualités. Elettra Bedon et Michel Vézina sont aussi qualifiés de prometteurs.
Bref, répétons-le pour ceux qui n’étaient pas encore au courant. L’ASFFQ est encore et toujours un ouvrage indispensable pour le milieu de la SF et du fantastique au Québec. Vivement la prochaine édition !
Joël CHAMPETIER