Collectif, Sourires (Hy)
Collectif (sous la direction de Claude Bolduc)
Sourires
Bromptonville, De l’À venir, 1994, 117 p.
« Sourire en coin
ou sourire malin
hilarité sans fin
ironie et venin
Sourires d’ailleurs
Et sourires de demain
Prenez ce qui vous convient »
nous annonce prudemment l’éditeur en quatrième de couverture, comme s’il voulait prévenir le lecteur que tout n’est pas à faire mourir de rire dans ce recueil de huit nouvelles à saveur humoristique. Et il fait bien, étant donné la qualité inégale des textes le constituant.
Tout d’abord, il faut absolument souligner l’idée très intéressante de Michel Martin (Jean Dion et Guy Sirois), qui dans « Ténèbres et conscience » publie la correspondance d’Andy « Star » Lévesque à Noël Hachepetit, rédacteur en chef et directeur littéraire de la revue Polaris. « Star » Lévesque est cet amateur de SF, mordu caricatural, très space, qui essaie tant bien que mal (surtout mal) de publier sa première nouvelle dans une revue qu’il encense, vénère, déifie au départ. Le style familier des lettres de Lévesque à Noël est hilarant et n’est surpassé en comique que par les réponses de Noël, invisibles parce que rapportées indirectement par Lévesque dans ses lettres subséquentes. Le changement de registre, de ton dans les lettres de Lévesque est admirablement drôle : on assiste au passage de la flatterie lécheuse à l’agacement, à l’impolitesse jusqu’à la haine meurtrière. Certes, ce récit épistolaire vole la vedette et mérite la mention de la nouvelle la plus réussie du recueil. Également, il ne faudrait pas passer sous silence la verve époustouflante de Marc Vaillancourt dans « Ordinatours et Cie », ou encore l’univers radicalement matriarcal de « Révolte » de Richard Poulin.
Malgré ces quelques bons moments de lecture, il n’en demeure pas moins que la majorité des nouvelles du recueil Sourires auraient subi le même sort que celles d’Andy « Star » Lévesque si une plus grande rigueur avait dicté la ligne de conduite de l’éditeur au moment de la collection de textes devant constituer ce recueil.
Par exemple, le niveau de langue de la nouvelle de Natasha Beaulieu, « Le Dernier Fléau », aux tendances précieuses, manque de naturel, et semble par surcroît mal maîtrisé en raison des nombreuses erreurs grammaticales et des écarts de langage ; ces défauts donnent un ton involontairement familier à un texte voulu stylistiquement châtié. Donc, rien pour faire sourire le bon roi blasé. Dans « Celui qui finit dans l’ombre », de Claude Bolduc, la cohabitation malheureuse de l’humour et du fantastique crée une distance, un mur qui empêche d’apprécier inconditionnellement l’un et l’autre : en effet, l’horreur du fantastique est diluée dans l’humour, humour qui à son tour ne passe pas parce que le sujet est censé en être un suscitant l’inquiétude et l’effroi. Sinon, ce sont des exercices de style où jeux de mots, onomastique et autres artifices prétendument comiques sollicitent de manière trop directe ou évidente le sourire du lecteur, comme dans « L’Œil-de-droll » (Michel Bélil), ou « La Pousse des bois » (Christian Martin).
Simon DUPUIS