André Brochu, Anne Hébert Le Secret de vie et de mort
André Brochu
Anne Hébert, Le Secret de vie et de mort
Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2000, 284 p.
Il est heureux de voir un critique et un membre de l’institution universitaire d’un certain renom consacrer un tel ouvrage, solide et intéressante étude critique et interprétative, à une des plus grandes, célèbres et célébrées auteures de toute la littérature québécoise, publiée d’abondance au Seuil, récipiendaire du Prix Fémina, et dont les livres sont souvent plein de traumatismes, de frustrations profondes, de violence rentrée, de crimes divers, de mystères retenus, et d’imaginaire, éléments qui traversent le destin de personnages parfois torturés par une primordiale quête d’identité et à la recherche d’une presque impossible « libération ». Des aspects bien spécifiques qui eurent une grande résonance auprès des lectorats féminins et également féministes durant ces dernières décennies, entre autres…, et qui présentent aussi beaucoup d’intérêt pour l’amateur des littératures de l’imaginaire. En effet, toute une partie de cette œuvre relève bien directement du fantastique le plus évident, que ce soit pour Héloïse et son étrange et fascinant vampire féminin errant dans un Paris presque magiquement métamorphosé par un regard « exilé » et très particulier, ou encore Les Enfants du Sabbat, avec son mélange inexorable et sa rencontre feutrée, sournoise, parfois révélatrice ou libératrice, parfois aliénante et destructrice, du Mal, de la sorcellerie (réelle ou imaginée), de la violence intérieure, de la psychologie profonde, de l’imaginaire fantasmatique et des pulsions et aspirations réfrénées d’une opprimante vie monastique, source autant d’extases que d’angoisses pour les femmes qui la subissent alors. On peut parfois discuter ou bien même se sentir en profond désaccord avec certaines des interprétations ou conclusions précises d’André Brochu, lui reprocher de s’attacher par trop à l’aspect « vie spirituelle » des romans présentés, ou encore un léger manque d’audace, ou de ne pas suffisamment mettre en relief, en dialogue ou en perspective l’œuvre et les thèmes proprement fantastiques d’Anne Hébert avec ceux d’autres auteurs fantastiques, présents ou passés. Mais le travail reste intéressant et important et on peut espérer qu’il n’est que le début d’explorations encore plus profondes et passionnantes.
René BEAULIEU