Annick Perrot-Bishop, Fragments de saisons (Hy)
Annick Perrot-Bishop
Fragments de saisons
Hull, Vents d’ouest (Rafales), 1998, 96 p.
C’est un tout petit livre très… particulier. Difficile d’y coller une quelconque étiquette. La couverture (une superbe illustration de François Escalmel, que les lecteurs de Solaris connaissent bien) donne le ton : l’Eau, la Terre et la Femme sont les trois thèmes au cœur de ce recueil de nouvelles. S’y ajoute une impression très nette de se trouver dans un domaine onirique et poétique, aux marges du fantastique.
Il n’y a pas à s’y tromper : c’est du Annick Perrot-Bishop concentré, davantage encore que son premier recueil, Les Maisons de cristal. Mais un concentré davantage impénétrable. Chaque texte est troublant et, à la façon d’un poème, nous laisse un peu perplexe quant à son sens. Comme pour le premier recueil, celui-ci donne également une impression de cohésion, comme si chaque nouvelle venait renchérir sur la précédente… Mais sans qu’on ose les rattacher toutes à un univers commun. Pas de doute, il faut abandonner la rationalité, la logique et tous les pourquoi-comment au vestiaire avant d’aborder ce charmant recueil. Il faut se contenter de savourer les images évoquées, l’écriture sensible et les fragments de vie étrangère.
Des fragments, oui, bien plus que des nouvelles. Certains sont assez longs – jusqu’à une vingtaine de pages – et racontent une histoire, comme on a l’habitude de se les faire raconter. C’est le cas de « L’Orphelin », un beau texte qui évoque pour nous la vie d’une créature tellurique élevée dans une famille d’humains normaux et qui se découvre peu à peu un don pour le dessin. Étrangement, le charme propre à l’écriture de l’auteure se fait plus discret dans ces nouvelles presque traditionnelles. Comme si Annick Perrot-Bishop s’y trouvait moins à l’aise. Ou comme si sa force se terrait dans le non-dit et que pour faire vivre une histoire en vingt pages, il lui fallait y mettre trop de sens…
Tout au contraire, les textes tels que « La Femme du monde » sont brefs – dans ce cas-ci, une page et demie – et s’apparentent au poème dans ce qu’il a de plus énigmatique. L’histoire est esquissée plutôt que décrite et chaque lecteur comprend ce qu’il veut, y trouve ce qu’il cherche.
Fragments de saisons peut donc être autant passionnant qu’assommant, parce que la beauté des textes dépend beaucoup de ce que le lecteur est prêt à investir de lui-même et de sa propre sensibilité. Mais c’est une expérience unique – quand on est d’humeur floue !
Julie MARTEL