Joël Champetier, Les Sources de la magie (Fy)
Joël Champetier
Les Sources de la magie
Beauport, Alire, 2002, 438 p.
Ian Corybantier, un magicien plutôt tranquille, voit son quotidien chamboulé par deux événements presque simultanés. D’une part, une mystérieuse porte a la curieuse idée de s’encastrer dans un mur de son laboratoire. D’une autre, Marion Donat, sa nièce de seize ans, lui est confiée par son frère Héran, l’intendant du royaume voisin. Ce dernier tente d’instaurer une démocratie dans son pays, et comme ça n’a pas l’heur de plaire à la noblesse locale, il craint pour la vie de sa fille. À juste titre d’ailleurs, puisque la demoiselle est enlevée par Malitorne, un magicien sadique, corrompu et, pire encore, verbeux. Corybantier et ses alliés, Pierre Coen, Trivelin et Valériane, auront fort à faire pour la retrouver à temps.
Les lecteurs qui connaissent les romans jeunesse de Joël Champetier (la série Contremont publiée chez Jeunesse-Pop, en l’occurrence) sont déjà familiarisés avec l’univers des Sources de la magie. On y fait référence au prince Japier, à l’ogre Barrad et à la princesse Melsi, à qui Marion fait penser par son exubérance. Il n’est donc pas surprenant de constater que, si ce roman s’adresse à un public adulte, il peut aussi être mis entre les mains de lecteurs plus jeunes – disons, ceux qui ont peine à se contenir avant la sortie du cinquième volet des aventures de Harry Potter, pour ne nommer que ceux-là. Les Sources de la magie se démarque du reste de la production de l’auteur. Le ton y est plus léger que dans La Mémoire du lac ou La Peau blanche, dont le mot de la fin, on s’en souvient, est plutôt amer. Quoique la finale des Sources fasse sourire précisément parce que tout le monde n’y trouve pas son compte !
Le roman se présente comme une histoire de fantasy classique sans être dépourvue d’originalité. Les longueurs sont difficiles à trouver et les nombreux personnages sont campés de façon adroite et parfois humoristique, avec leurs qualités et leurs travers. On pourrait reprocher l’intrusion un peu marquée d’un chien parlant dans le récit, surtout qu’il se comporte, eh bien, comme un chien, avec le remue-ménage que cela implique. Ce don de parole de l’animal, fort pratique pour rappeler les nécessités de la vie (« On mange ? », p. 17), est l’une des nombreuses facettes de la magie qui imprègne l’univers de Contremont, magie qui s’avère finalement être le personnage principal de l’histoire.
Ce qui ne veut pas dire que tout le monde la pratique. La magie n’est réservée qu’à ceux qui l’étudient avec sérieux, et encore, certains y réussissent mieux que d’autres. Il y a une dispute révélatrice entre Corybantier et sa voisine Valériane, une sorcière, sur la valeur de leurs talents respectifs. Pour le lecteur contemporain, Ian semble associer la magie à la science, et la sorcellerie à une forme de pratique nouvel-âgeuse. D’où lui viennent donc ces préjugés ? Est-ce qu’il croit que la magie a plus de crédibilité parce qu’elle fonctionne selon des règles ? Corybantier ne peut, par exemple, assécher une pièce inondée sans endommager ses potions à base d’eau. Pourtant la magie a ses petites surprises, comme en fait foi cette scène où Marion examine des objets magiques et réalise qu’aucun d’eux n’est utilisable, ni même utile ! Quant aux sources mêmes de la magie, laissons aux lecteurs le plaisir de les découvrir dans une finale inattendue.
Laurine SPEHNER