Nancy Vickers, Les Satins du Diable (Fa)
Nancy Vickers
Les Satins du Diable
Ottawa, Le Vermillon, 2002, 164 p.
Comme son titre l’indique, ce roman est un récit directement fantas(ma)tique. La relation difficile entre la blonde Tamara et son noir cinéaste de fils, Christophe, se complique de la présence invisible d’une tierce personne, Isabelle, amie d’enfance de Tamara qui s’est suicidée peut-être à cause d’elle, et qui vient – peut-être – hanter Emmanuelle, la jeune actrice qui lui ressemble tant et que Christophe veut employer dans son film de vampires basé sur Carmilla (de Sheridan Lefanu), une histoire trouble d’amours féminines, de fantômes et de sang. La spirale déjà étroite que dansent l’un autour de l’autre la mère et le fils se resserre jusqu’à la folie, une folie à trois, illuminée d’une flamme sombre par un érotisme sulfureux, voire sadique : on enlève, emprisonne et aveugle Emmanuelle, on tue Vincente, l’autre actrice du film, Tamara meurt enfin, tandis que naît Océane, la fille d’Emmanuelle et de Christophe… Le tout s’accompagne d’incestes, de trahisons et de vengeances assez baroco-flamboyants (c’est une des règles du genre dans ses expressions classiques), et ne se soucie heureusement pas de la morale : si vengeance il y a, c’est par meurtre du père incestueux, et l’enfant Océane, malgré son nom si poétique, sera sans doute elle aussi une sorcière. Paradoxalement, dans cette espèce de surfiction – où se donnent libre cours, avec un certain bonheur, les sortilèges de la fiction la plus traditionnelle – on sent pointer très délibérément l’autofiction, ce qui contribue au malaise et au dérangement fantastique pour qui sait que la blonde Nancy Vickers a un fils, lequel est cinéaste et tourne des films d’horreur, entre autres, et auquel le livre est dédié ; ce paratexte invite quelque peu aux rapprochements… Mais on n’en a pas besoin pour apprécier la thématique fiévreuse de la hantise et de la dévoration mortelle des vivants par les morts, et par les vivants – une vision assez terrifiante des relations entre parents et enfants, mais pourquoi pas ? C’est vrai aussi, même quand on se passe des artifices du fantastique noir.
Élisabeth VONARBURG