Daniel Sernine, Les Méandres du temps (La Suite du temps -1) (SF)
Daniel Sernine
Les Méandres du temps (La Suite du temps -1)
Lévis, Alire (Romans 077), 2004, 438 p.
Je n’ai jamais lu la première version des Méandres du temps parue en 1983, aussi ne ferai-je aucune comparaison. Je me bornerai à parler du plaisir que j’ai eu à le lire.
D’un côté des adolescents dont les pouvoirs psychiques sont étudiés dans une Fondation de parapsychologie affiliée au gouvernement. De l’autre, des êtres mystérieux venus d’on ne sait où qui « surveillent » les Terriens depuis leurs vaisseaux. Classique ? Le sujet l’est peut-être. Mais le traitement est réellement intéressant.
Nicolas est un jeune enfant dont la mère meurt dans un accident de la route alors qu’il est dans la voiture avec elle. Le choc émotionnel est si puissant que ses facultés psychiques se révèlent alors, le sauvant in extremis de la mort. On le retrouve quelques années plus tard, adolescent, à la Fondation Peers, principal institut de parapsychologie du Canada, que dirige son père. Il y vit, comme cobaye volontaire, ainsi que Diane, sa petite amie et coéquipière lors des tests : ils travaillent essentiellement avec le Trancer, un appareil qui agit comme transmetteur afin d’aider au développement de leurs dons naturels de télépathes. D’autres adolescents travaillent sur des programmes différents, mais auréolés de mystère : les expériences vont-elles au-delà des limites éthiques ? La Fondation ressemble un peu à une prison dorée où les dirigeants semblent avoir l’œil sur leurs sujets d’expérimentation 24 heures sur 24. L’ambiance y est glauque et pesante.
En parallèle, sur Érymède, une planète dont on ne sait rien, Maître Karilian, lui aussi télépathe, conduit des tests à l’Institut de Métapsychique de Psyché. Il a déjà fait plusieurs missions de surveillance et de contrôle sur la Terre. Il est à nouveau attiré sur la Terre par une vision prémonitoire qui lui indique qu’il va retourner à la Villa des Lunes, où 15 ans auparavant se sont déroulés des événements dramatiques auxquels il a activement participé. Or, la Villa des Lunes et la Fondation sont situées l’une à côté de l’autre. Pendant que Maître Karilian cherche le sens de sa mission, Nicolas reçoit des visions d’un lieu qui n’existe pas. Ses pouvoirs commencent à le dépasser. Mais surtout, il vit mal son adolescence, les tests, la Fondation, les interdictions, il ne s’entend pas avec son père trop distant. Il est en pleine crise et rencontre Maître Karilian alors qu’il s’est introduit clandestinement dans les jardins de la Villa des Lunes. Contre toute attente, il se crée un lien indicible entre ces deux êtres si différents, alors que Maître Karilian n’est en aucun cas autorisé à se lier d’amitié avec les Terriens.
On ne sait évidemment pas qui sont les habitants d’Érymède, d’où ils viennent, si ce sont des extraterrestres au sens ufologique du terme, et surtout on ne sait pas pourquoi ils surveillent la Terre et les agissements des terriens. En bref, qu’est-ce qu’ils font là, à se mêler des affaires humaines ?
Daniel Sernine sait mener avec talent toutes les intrigues parallèles : même si elles sont liées dans le temps et l’espace, elles ont leur histoire propre. Les personnages sont bien définis et ne semblent pas servir uniquement à meubler les chapitres (ce qui est malheureusement trop souvent le cas en SF ou en polar, d’ailleurs) : Nicolas est un ado rebelle mais attachant (il aurait vraiment besoin d’une mère).
On arrive à la fin du roman avec LA question au bord des lèvres : qui sont-ils vraiment ? Car, si j’ai fait nombre de suppositions, j’avais seulement hâte d’arriver à la fin pour savoir. Il faut préciser que, malgré le côté fantastique suggéré par le thème des pouvoirs psychiques, Les Méandres du temps est un roman de SF jusqu’au bout : Daniel Sernine a su y insérer des éléments de thriller (haletant, je vous le dis !) et de fantastique sans sortir de la SF.
Un seul regret : la suite (c’est une trilogie) n’est pas encore sortie ! Argghh !
Pascale RAUD