Patrick Senécal, Oniria (Fa)
Patrick Senécal
Oniria
Lévis, Alire (Romans 076), 2004, 304 p.
J’ai hésité avant de rédiger cette critique, ne sachant pas comment exprimer mon sentiment général qu’il s’agit là d’un bon roman, tout en voulant aussi souligner que j’ai été déçue par certains de ses aspects. Que les inconditionnels de Patrick Senécal rentrent leurs griffes : il y a plus de positif que de négatif, mais je me dois de parler des deux.
Quatre criminels, Dave, Jef, Éric et Loner, réussissent à s’évader de prison en embarquant clandestinement à l’intérieur d’un camion à ordures. Mais la police est à leurs trousses. Ils décident de se cacher pour la nuit dans une maison. La villa de leur choix, très isolée de la ville, porte le nom étrange et effrayant d’Oniria. Plus étrange encore, celle-ci appartient à Vivianne Léveillé, la psychiatre de la prison. Se croyant à l’abri dans cette maison, ils ne se méfient pas assez d’elle et de ses occupants. La nuit promet d’être très longue, sans doute plus longue que toutes celles de leur existence.
Les quatre protagonistes sont très différents les uns des autres, toujours sur le point de se quereller brutalement, créant ainsi un déséquilibre permanent au sein même de leur groupe. Il y a d’ailleurs beaucoup de personnages principaux : de ce fait, ils ont moins d’épaisseur qu’ils pourraient en avoir. Ensuite, la mise en place dure environ cent pages, pendant lesquelles je ne savais pas où j’allais, ressentant même quelques pointes d’agacement. Puis… magie de l’écriture, tout commence vraiment et je retrouve ce que je venais chercher chez Senécal : l’angoisse qui monte, la terreur qui s’installe, la panique qui submerge, et la fuite impossible.
Car ne s’enfuit pas qui veut d’Oniria. La surface habitable de la villa n’est pas seulement celle que l’on voit de l’extérieur : il y a des caves, des souterrains, des endroits clos desquels il peut être difficile de s’échapper. Des lieux qui feront regretter à nos personnages d’être venus jusque-là. C’est vrai que j’aurais peut-être aimé un peu plus « d’explications », l’auteur se contentant de montrer sans rien nous dire de plus (peut-être est-ce là un élément plus stressant encore ?). Une déception tout de même, mais ça ne fait pas d’Oniria un mauvais roman. Au contraire, l’intrigue est bien ficelée et la structure solide. Bien que la raison bascule, et que la réalité prenne des allures de cauchemar, Patrick Senécal maintient une ligne directrice en béton. Patient et méthodique, il sait où il va, et nous entraîne de gré ou de force à sa suite, pour nous mettre finalement un bon coup de pied au derrière pour nous lancer dans le final qui m’a laissée sur le mien, de derrière. J’ai souri de constater que je m’étais laissée prendre sans rien voir venir. C’est comme la dernière pièce du puzzle : tous les rouages sont en place, la tragédie est en marche, il est trop tard pour reculer. Que peut-on demander de plus ?
Pascale RAUD