Éric Gauthier, Une fêlure au flanc du monde (Fa)
Éric Gauthier
Une fêlure au flanc du monde
Lévis, Alire (Romans 117), 2008, 525 p.
Éric Gauthier est un jeune conteur et écrivain bien connu de nos fidèles lecteurs, ayant remporté les prix Solaris 1999 et 2002 en plus d’avoir reçu, en 2003, le Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois. Publié récemment par les éditions Alire, Une fêlure au flanc du monde est son premier roman. Savant alliage de réalisme magique et de fantastique moderne, l’ouvrage relate les investigations de Malick, magicien et voyant autoproclamé qui, pour fuir les conjurations du gangster et occultiste vaudou Scipion, se réfugie à Saint-Nicaise, petite ville d’Abitibi où il a passé la majeure partie de son adolescence. À son histoire se raccorde progressivement celle d’Hubert Saulnier, un père divorcé cherchant désespérément un sens à sa vie. « Seul à la fin de toutes choses », Saulnier réalise – un peu tard – que le petit groupe d’éveil spirituel auquel il s’est joint quelques années auparavant use de méthodes pour le moins singulières. Bien malgré eux, les deux principaux protagonistes sont brutalement rattrapés par leur passé. Alors que Saulnier s’efforce de retenir les différents morceaux de son existence fissurée, Malick découvre avec frayeur que Saint-Nicaise recèle les vestiges d’une menace qu’il croyait avoir écartée depuis longtemps, la ville servant effectivement de retraite à une secte de thaumaturges nihilistes.
On l’aura compris, la magie et les rituels mis en scène par Gauthier sont à mille lieues de la sorcellerie édulcorée qui régit l’univers d’Harry Potter. Avec un talent manifeste, l’auteur parvient d’ailleurs à nous faire adhérer à ce Québec à la fois réaliste et surnaturel. Le roman témoigne en outre de la fascination de Gauthier pour l’occulte et le paranormal, regorgeant d’informations sur ces deux sujets. Malgré un rythme un peu lent, le suspense demeure bien réel et le jeune auteur nous entraîne de surprise en surprise, l’information nous étant livrée au compte-gouttes par l’entremise d’une constante alternance entre les pérégrinations de Malick et les élucubrations d’Hubert.
Une fêlure au flanc du monde présente malgré tout quelques menues faiblesses. Notamment, le manque de cohésion quant au niveau de langage utilisé dans les dialogues m’a parfois agacé. Alors que la plupart des entretiens entre les personnages se font dans un parler de tous les jours, ceux qui impliquent des explications de Malick à propos de l’occulte et de la magie semblent quelquefois un peu trop documentaires, voire radio-canadiens. Par ailleurs, les fréquentes incursions dans le passé des principaux protagonistes portent parfois à confusion, certaines d’entre elles étant amenées un peu précipitamment. Soulignons cependant que ces légers bémols n’enlèvent en rien à la qualité globale du récit de Gauthier. En somme, Éric Gauthier est un conteur de talent… et un romancier qui promet !
François MARTIN