Jean-Pierre April, Mon père a tué la Terre
Jean-Pierre APRIL
Mon père a tué la Terre
Montréal, XYZ (Romanichels), 2007, 155 p.
Ce n’est pas le premier livre de J.-P. April qui soulève des problèmes de classification ; ce qui n’étonnera pas les lecteurs qui ont suivi le parcours de cet écrivain, sans doute le plus hétérodoxe de la petite histoire de la SF québécoise. La première question qu’on peut se poser, c’est s’il s’agit bien d’un livre de SF ? C’est vrai qu’on y retrouve sous forme remaniée quatre nouvelles de SF publiées par April entre 1978 et 1984 (dans Solaris, entre autres). Pourtant, ce n’est pas vraiment un recueil de nouvelles puisque ces textes, qui constituent moins de la moitié du livre de toute façon, sont des éléments objectifs intégrés à une histoire qui ne possède aucun élément de SF ou de fantastique. Elles sont présentées au jeune narrateur du livre, Jimi Aprili, par son père, un écrivain de science-fiction en proie au doute sur la validité de sa création, et dont le couple ne va pas trop fort non plus.
Autrement dit, même si on parle d’écriture et de science-fiction dans ce livre, Mon père a tué la Terre est bel et bien un roman de littérature générale, voire même d’autofiction. Non seulement l’auteur fait partie des personnages, mais il est difficile de croire que c’est le fils qui parle, tant le style évoque une certaine littérature québécoise de la fin du siècle dernier, truffée d’allitérations, de mots-valises et autres fantaisies lexicales – autrement dit, c’est bel et bien April qui écrit, avec sa verve imaginative habituelle.
Ceci étant établi – je suppose que cet aveu ne surprendra pas de la part du rédacteur en chef de Solaris –, j’aurais préféré qu’il y eût plus de science et moins d’auto dans cette fiction. Les opinions de Jimi Aprili sur la mondialisation, les attentats du 11 septembre 2001 ou le divorce de ses parents ne m’ont pas particulièrement frappé ; et, tout bien pesé, mon meilleur souvenir de lecture après avoir déposé ce livre a été la redécouverte de deux nouvelles à la fois tendres et sardoniques, « Les Orphelins de Hoï Tri » et « Angel », qui nous rappellent que la voix d’April a été personnelle et unique dès le début. Ce court roman m’a donné le goût d’aller relire les recueils d’April, comme Télétotalité, en encore mieux, Chocs baroques qui est encore disponible dans la collection de la Bibliothèque québécoise. Si ça pouvait inciter de nouveaux lecteurs d’April à faire de même – surtout ceux qui n’étaient pas en âge de lire à l’époque ! – cela pourrait être une réponse aux questions existentielles du père de Jimi Aprili…
Joël CHAMPETIER