Jean Avril, Orianor 1 : La Cité aux sept murailles (Fy)
Jean Avril
Orianor 1 : La Cité aux sept murailles
s. l., Cima, 2012, 113 p.
Tolkien a laissé une empreinte manichéenne sur la fantasy dont le genre a une singulière difficulté à se départir, et c’est particulièrement vrai pour la littérature jeunesse. Orianor T.1 : La Cité aux sept murailles, premier tome d’une nouvelle série publiée chez Cima et signée Jean Avril, n’échappe pas à ce constat – et c’est un euphémisme. Est-ce vraiment nécessaire de n’avoir que des personnages sans nuances, soit totalement « bon », soit complètement « méchant » ? Il me semble que la fantasy n’en est plus là – en fait foi les œuvres de Glen Cook (Annals of the Black Company), de G. R. R. Martin (The Game of Thrones) ou encore, plus près de chez nous, d’Héloïse Côté (La Tueuse de Dragons). Et ce n’est pas parce qu’un roman s’adresse à un public de jeunes adolescents qu’il faut nécessairement insulter leur intelligence, en fait foi le succès populaire d’une série comme Les Désastreuses Aventures des orphelins Baudelaire de Lemony Snicket.
Le roman s’ouvre pourtant sur un superbe incipit. Un « chapitre zéro » absolument délicieux, qui raconte la mort d’un sculpteur esclave, et qui précède un prologue dont la fonction est de présenter la mythologie sur laquelle repose le roman. Il faut dire que l’auteur a un certain style, même si je note une agaçante tendance à la surenchère de qualificatifs et qui auraient pu être épurés lors du travail de direction littéraire, de même que certains tics de langage à proscrire (notamment cette fâcheuse manie de placer une virgule après une conjonction débutant une phrase). S’ensuit les péripéties en eux-mêmes, qui consistent, pour un chevalier rescapé in extremis d’un siège de quarante ans (wow, il y avait de sacrés stocks de nourriture là-dedans !!! Sérieusement, c’est un oubli d’un illogisme déconcertant…) s’étant terminé dans la défaite pour les assiégés, à ramener le fils du roi sain et sauf dans la contrée voisine, alliée des vaincus. La reine est morte, tuée des mains d’un traître au service des très très méchants et sombres rakhanes, créatures qui auraient pu porter le nom d’orques que ça n’y aurait strictement rien changé.
La chute du roman laisse cependant entrevoir un certain potentiel pour les numéros qui suivront (« spoiler alert » !). Les derniers chapitres introduisent ainsi le personnage d’Uriss, le roi déchu de la citadelle de Rihel, au tempérament ultra-vertueux que le manichéisme du récit appelle père de l’enfant, désormais esclave des Rakhanes et enchaîné au traître qui a tué son épouse. C’est sur cette note que s’achève ce premier tome, laissant peut-être entrevoir une plus grande nuance dans la caractérisation à venir des personnages ; mais pour l’heure, la chose m’a profondément agacé, au point où j’avais envie de stopper net une lecture pourtant facile et rapide (le roman est court) – ce qui m’apparaît comme une bien pauvre entrée en matière pour une nouvelle série populaire. Mais laissons la chance au coureur – il se peut que l’intrigue s’approfondisse avec la parution des tomes subséquents.
Marc Ross GAUDREAULT