Martine Desjardins, Maleficium (Fa)
Martine Desjardins
Maleficium
Québec, Alto, 2009, 188 p.
Pardonnez-moi, mon père… mais j’ai une confession à faire :
J’ai toujours trouvé que les éditions Alto ne se contentaient pas de nous offrir une littérature à la fois de qualité et accessible, mais qu’elles nous présentaient également de beaux objets-livres qui empruntent différents formats, un graphisme adapté à chaque récit.
Dans le cas de Maleficium, l’illustration de couverture, représentant une femme nue avec le Sacré-cœur enflammé qui lui couvre le sexe, suggère que si on entame la lecture de ces pages interdites, on découvrira un monde de tentations insoupçonnées, de péchés mortels et de secrets qui titilleront les esprits longtemps.
Si jamais vous osez vous glisser dans ces pages, vous y découvrirez les confessions de sept hommes, sept narrateurs, sept tentations reliées à la même femme. Mais est-ce bien une femme ou plutôt un démon ? Au cœur de ces récits, le fantastique est tapi, jamais très loin, toujours prêt à surgir, marié à un érotisme vicieux et à l’exotisme des voyages dans des contrées lointaines. Êtes-vous vraiment prêt à connaître les histoires de ces sept pécheurs ? L’Abbé Savoie, lui, est devenu sourd par la suite…
Chroniqueuse littéraire pour L’Actualité et auteure des romans Le Cercle de Clara, L’Élu du hasard et L’Évocation (Prix Ringuet 2006), Martine Desjardins désirait relever un défi de taille en entamant l’écriture de Maleficium : celui d’offrir aux lecteurs un récit dans le genre des anciens fantastiqueurs (Théophile Gauthier, Maupassant, Nerval…) sans en faire un pastiche ou une pâle copie.
A-t-elle réussi ce défi ? Et comment !
Sans imiter les maîtres du genre, elle nous emmène, le temps de cette lecture, dans le doute, ce doute hautement efficace qui hante le fantastique, et dans un voyage aux découvertes aussi surprenantes que dangereuses. On a vraiment l’impression qu’on vient de découvrir un vieux manuscrit, une série de confessions oubliées, des pages que l’on ne devrait pas lire sous peine d’y laisser notre volonté, notre raison.
Martine Desjardins met en scène des personnages crédibles, à la fois attachants et antipathiques par leur soif de richesse, de luxure, de chair… qui les mène à l’ombre du vice, dans une descente vers les Enfers. On ne peut que se reconnaître parmi l’un ou l’autre de ces damnés, devant l’éventail de saveurs offertes qui viennent attiser nos faiblesses humaines.
Et que dire du style ? Il est rare de croiser une écriture démontrant une telle maîtrise sans verser dans le charabia pour une élite. Ici, chaque mot est pensé, choisi. En fait, chaque mot sonne juste et, diable ! que ça fait du bien ! Non seulement l’histoire (ou devrais-je dire les histoires) est originale, mystérieuse et rafraîchissante mais en plus le style coule comme du miel sur notre langue, un miel qui nous empoisonne à petit feu. C’est savoureux, on se laisse séduire et déjà, il est trop tard : la damnation nous envahit, nous habite désormais. Avec sa plume talentueuse, Martine Desjardins nous invite à voyager avec les sens, nos sens, sur des routes parfumées de doucereux maléfices…
Pardonnez-moi mon père, mais j’ai une confession à faire : il s’agit là d’un des meilleurs livres que j’ai pu lire depuis de nombreuses années, sans contredit : un incontournable dans le genre.
Jonathan REYNOLDS