Sébastien Chartrand, Le Crépuscule des Arcanes T.1 : L’Ensorceleuse de Pointe-Lévy (Fy)
Sébastien Chartrand
Le Crépuscule des Arcanes T.1 : L’Ensorceleuse de Pointe-Lévy
Lévis, Alire (Romans 150), 2013, 434 p.
Faustin, neveu du curé Lamarre, est un jeune homme de village : mêmes’il est bedeau au presbytère de Notre-Dame-des-Tempérances, il aime boire une bière à la taverne du coin et écouter les contes et les légendes narrés au coin de la cheminée par les coureurs des bois ou les bûcherons du village. Mais il sait, tout comme son oncle ou son frère adoptif François Gauthier, le vicaire, que ces contes et ces légendes n’en sont point tout à fait, car François et le curé sont des arcanistes secrets, pratiquants d’une magie arrivée d’Europe mais oubliée en cette fin de XIXe siècle.
Le savoir et le constater, cependant, ce sont deux choses différentes… Après l’enlèvement d’une jeune fille des environs, Rose Latulipe, par un mystérieux étranger d’une inquiétante puissance, que le curé Lamarre n’a pu contrer qu’au prix de sa vie, Faustin et François rencontrent Shaor’i, une Indienne détentrice de la magie des autochtones. Ils vont devoir se rendre au Mont à l’Oiseau, de sinistre réputation, accompagné de l’homme fort Baptiste Lachapelle. Or l’Étranger n’a pas seulement des visées sur Rose, il semble en avoir aussi sur Faustin – mais lesquelles ? Nous l’apprenons dans ce premier volume, où Faustin, quant à lui, découvrira sa véritable origine.
Sébastien Chartrand explique, dans la postface, qu’il a grandi en lisant entre autres Joël Champetier. Et de fait ce roman, qui se présente comme du fantastique, se situe dans la mouvance de « la magie comme science » qui fait une partie du charme des romans de fantasy de celui-ci. Mais nous sommes deux générations plus tard et l’auteur a de toute évidence bien assimilé ses diverses inspirations. Lesquelles comptent aussi non seulement l’Histoire du Québec – les retombées de la guerre des Patriotes – mais aussi une bonne partie du folklore québécois, celui des colons et celui des premiers colonisés, c’est-à-dire des autochtones. Il intègre l’une et les autres dans ce récit remarquablement maîtrisé pour un auteur débutant. Sans parler du regard lucide porté sur les différents acteurs sociaux et politiques du Québec après 1837, réussir à placer la Chasse-Galerie, les Jack Mistigris et la Corriveau dans une même histoire sans coutures apparentes, et à nous surprendre, nous émerveiller et nous émouvoir avec ces figures pourtant anciennes n’est pas une des moindres réussites de ce roman. L’écriture est fluide et bien maîtrisée, dans un style juste assez archaïque (on est au XIXe siècle, quand même), l’auteur a une bonne oreille et les dialogues sont très vivants (moins ceux des autochtones, qui parlent un peu trop comme des livres), l’action est bien articulée…
On referme ce roman sans frustration, et en attendant avec beaucoup d’intérêt la suite de l’histoire, puisque ce sera une trilogie : un nouvel auteur québécois à suivre !
Élisabeth VONARBURG