Élisabeth Vonarburg, Hôtel Olympia (SF)
Élisabeth Vonarburg
Hôtel Olympia
Lévis, Alire (Romans 157), 2014, 591 p.
On ne présente plus vraiment Élisabeth Vonarburg, auteure émérite de romans de science-fiction aussi marquants que le cycle de Tyranaël ou Chronique du pays des mères. Elle nous a plus récemment entraînés sur le terrain de la fantasy historique avec Reine de Mémoire, portée par son style riche et enlevé. Avec Hôtel Olympia, l’auteure déroge à ses habitudes pour nous présenter cette fois un volume qui se suffit à lui-même, sans suite attendue.
Tout commence dans un univers qui ressemble de près au nôtre aujourd’hui : Danika est une femme dans la soixantaine qui habite Montréal. Elle est photographe et partage sa vie avec un archéologue spécialiste de l’Antiquité, Tommi. Vive et indépendante, Danika est surprise de recevoir la visite de son père, Stavros, qu’elle n’a pas vu depuis quarante ans. Il lui apprend que sa mère, Olympia, a disparu et que l’hôtel qu’elle tenait à Paris a besoin d’une directrice : elle. Seule héritière désignée. Danika regimbe. Elle a quitté tout cela à douze ans et ne se passionne pas pour la gestion. Un petit voyage et ce sera réglé… lui assure Stavros, le billet d’avion à la main. Curieuse et désireuse de se débarrasser de la responsabilité tout à la fois, Danika embarque seule pour Paris.
Ce qu’elle ne sait pas c’est que les souvenirs personnels enfouis depuis longtemps vont remonter petit à petit à sa mémoire… dès son arrivée à l’hôtel, et que les membres de sa famille, tout comme ses amis d’enfance, n’ont pas vraiment vieilli. Tout cela cache un mystère qu’elle va devoir comprendre pour récupérer pleinement son héritage ou le laisser à d’autres comme elle en avait l’intention dès le départ. Les intrigues vont bon train à son arrivée, les factions se préparent à recevoir l’héritière… mais le plus étrange est un univers encore à définir : l’hôtel rêve…
À partir d’une intrigue policière mâtinée de fantasy urbaine, Élisabeth Vonarburg nous propose un voyage inhabituel : celui qu’on peut faire en retournant aux origines, auprès des archétypes, des modèles de nos sociétés occidentales. Son livre m’a d’ailleurs fait penser à American Gods de Neil Gaiman. Les allusions, les personnages sont rapidement transparents si vous connaissez les Classiques. L’hôtel devient le lieu de tous les possibles : reflet du passé, prison dorée, porte vers d’autres mondes, voyage en circuit fermé ou dans l’Imaginaire des temps les plus reculés (l’évocation finale des archétypes est un moment de bonheur pour tout passionné de contes et légendes et d’archéologie). Le lecteur se balade entre différents niveaux de réalité avant de basculer dans une intrigue policière qui sème des fausses pistes à répétition jusqu’à la révélation finale.
Croisement de genres, Hôtel Olympia offre aussi une réflexion sur le retour aux sources, le temps qui passe, l’âge, la famille et les liens. La mère, absente, se dévoile comme en creux, vide qui offre une présence riche d’échos. Le père, voyageur et marin, n’est guère plus présent. Danika, quant à elle parle avec la voix d’Élisabeth Vonarburg, qui admet avoir mis beaucoup d’elle dans le personnage.
Roman bien tourné quoiqu’avec quelques longueurs, Hôtel Olympia est un texte inclassable, croisement de genres et riche d’idées. Efficace, il donne envie de tourner les pages et ses personnages sont attachants. C’est un bon roman, pas son meilleur à mon sens, mais je ne suis pas une lectrice de romans policiers, et cela influe certainement sur mon appréciation de la forme. C’est un divertissement qui ravira tout amateur de ces univers très personnels et des personnages parfois passionnés sinon passionnels que sait si bien créer Élisabeth Vonarburg.
Nathalie FAURE