Patrick Senécal, Malphas T.3 : Ce qui se passe dans la cave reste dans la cave (Fa)
Patrick Senécal
Malphas T.3 : Ce qui se passe dans la cave reste dans la cave
Lévis, Alire (GF), 2013, 563 pages
Ce qui se passe dans la cave reste dans la… Hé, là ! Pas question ! Nous, les lecteurs maniaques de l’œuvre de Patrick Senécal, nous voulons tout savoir ! Nous nous levons, poings brandis hauts dans les airs, pour réclamer les secrets de Malphas !
Quoi ? Vous ne savez pas de qui je parle ? Qu’on vous tranche la tête !
En ce qui concerne la littérature dite de genre, il y a deux Senécal : celui qui écrit du noir, du thriller et celui qui écrit du fantastique horrifique. Personnellement, je préfère le deuxième. Avant la parution de Malphas, il y a eu une période de romans très noirs et lourds (Le Vide, Hell.com, Contre Dieu) et j’avais peur qu’il ne revienne plus aux intrigues surnaturelles d’Oniria ou d’Aliss. Des livres certes plus trashs mais, à mon avis, plus ludiques.
Même si Patrick Senécal est considéré comme un maître dans le domaine de l’horreur, il ne s’assoit pas sur ses lauriers sanglants. Oh que non ! Il aurait pu simplement reproduire encore et encore la même recette qui l’a amené au succès populaire qu’il connaît depuis quelques années. Mais il a décidé de se renouveler livre après livre, de relever des défis, d’élargir ses horizons et ses limites en tant qu’auteur.
Et dans le cas de Malphas, c’est tout un défi, un double en fait, que Senécal s’est lancé : élaborer une série et intégrer beaucoup d’humour dans ses écrits. De l’humour noir, cela va de soi.
Nous savons maintenant que cette série comptera quatre tomes en tout. Là-dessus, je dois avouer que je suis rassuré. Je ne suis pas un grand fan des longues et interminables séries. Mais quatre, ça me semble parfait. Parfait pour quoi ? Pour avoir le temps d’entrer dans cet univers aussi étrange que violent, aussi comique qu’effrayant, aussi…
Bienvenue, pour la troisième fois, au Cégep de Malphas ! Cet endroit qui, au premier regard, vous avait paru paisible, tout ce qu’il y a de plus naturel, s’est rapidement dévoilé sous son vrai jour : Malphas, l’antre du mal, le collège où déambulent des personnages plus grands que nature, qui semblent tous cacher des secrets aussi tordus que leurs comportements sont déviants…
Vous avez survécu aux deux premières sessions en compagnie de Julien Sarkozy ? Qu’à cela ne tienne, voici maintenant le cours que vous attendiez avec impatience : Ce qui se passe dans la cave reste dans la cave.
Si le premier tome dressait le plan de cours et que le deuxième vous confirmait que l’enseignant, Senécal, avait encore bien des tours dans son sac (avec ses scènes surprenantes qui tordent les tripes, dignes d’Aliss et d’Oniria), ce troisième opus entre dans le vif du sujet, ou plutôt défonce carrément la porte pour tout ravager sur son passage.
Dans ces pages, où le suspense et l’humour noir sont de mise, vous apprendrez les secrets du sous-sol de cette école malsaine, les promesses que vous perceviez à la lecture du deuxième tome seront tenues dans celui-ci. L’intrigue bien ficelée de ce troisième tome se referme sournoisement, tel un piège, sur les personnages et les lecteurs, pauvres victimes d’un plan machiavélique.
Nous renouons avec le tellement-antipathique-qu’il-en-devient-sympathique Julien Sarkozy et les malheurs, petits et grands, qui ponctuent sa vie depuis son arrivée dans la ville de Saint-Trailouin. Il assiste une fois de plus à des événements qui rendraient fou le commun des mortels. Mais à Malphas, on s’habitue à tout. D’ailleurs, dans une scène particulièrement intéressante de par le contraste qu’il propose, Sarkozy sort de Saint-Trailouin pour se rendre compte qu’il considère désormais la normalité anormale, le reste du monde lui paraissant trop étrange pour y retourner.
À peine sorti de l’hôpital après les événements meurtriers du club de lecture, Sarkozy doit maintenant résoudre un mystère encore plus dangereux : celui des morts accidentelles – vraiment ? – de personnes de son entourage et de celui du collège maudit. Cette fois-ci, Simon Gracq n’est pas là pour prêter main-forte et Sarkozy ne peut pas faire entièrement confiance à la séduisante et énigmatique Rachel Red… Comment fera-t-il pour entrer dans le sous-sol sans se faire pincer par les Archlax et qui l’aidera à comprendre ces nouvelles explosions de violence ? La vieille Fudd, sorcière lubrique ? Zazz, la fumeuse qui voit des choses ? À supposer qu’il reste en vie assez longtemps… parce qu’on tente de l’assassiner dès les premiers jours de son retour ! Et dans tout ça, notre pauvre Julien doit s’assurer que son fils, qu’il ne voit que très rarement, ne manque de rien…
Pour les amateurs de la série, sachez que tous les personnages, même certains qui n’étaient là que dans le premier tome, reviennent pour lever le voile sur des aspects de leur vie qui vous étaient jusqu’alors inconnus.
Je suis agréablement surpris d’être encore happé, après toutes ces années, par le talent de Senécal : question suspense, il maîtrise comme peu savent le faire les mots pour inciter son lecteur à tourner les pages, à découvrir jusqu’où iront les personnages pour comprendre l’horreur.
En bon québécois : maudit que je suis content qu’il soit revenu au fantastique horrifique ! De celui qui ne se prend pas au sérieux. Je dois avouer que ça faisait longtemps, depuis Oniria, que je n’avais pas eu autant de plaisir à le lire. L’attente en valait le coup : c’est un pur délice pour les amateurs d’histoires non-politiquement correctes et de gore-pour-le-fun (plusieurs scènes ont fait sourire l’amateur de films d’horreur que je suis).
Maintenant que j’ai vu ce qui rampe tout en bas, dans les ténèbres, je n’ai pas d’autres choix que d’attendre, en me rongeant les ongles jusqu’au sang, le quatrième et ultime tome. Parce que Senécal s’est gardé quelques cartes dans la manche. La finale promet d’être grandiose ou, plus précisément, grand-guignolesque…
Jonathan REYNOLDS