Vincent Paris, Zombies : sociologie des morts-vivants
Vincent Paris
Zombies : sociologie des morts-vivants
Montréal, XYZ, 2013, 163 p.
Vincent Paris enseigne la sociologie au cégep de Saint-Laurent à Montréal. Écrit en plein Printemps érable, l’essai Zombies : sociologie des morts-vivants, qu’il publie cette année chez XYZ, est dédié à ses étudiants. Paris le reconnaît d’emblée, il n’est pas un fanatique de zombies. Cela lui permet sans doute d’adopter une posture critique et de porter un regard objectif de sociologue sur le phénomène mort-vivant, qui connaît depuis une douzaine d’années une effervescence digne de mention.
Depuis le début du XXIe siècle, le zombie a de fait littéralement contaminé l’imaginaire contemporain. On ne compte plus le nombre de films, de romans, de BD et de jeux vidéo qui mettent en scène l’une ou l’autre de ses incarnations. Qu’il fascine ou qu’il dégoûte, qu’il fasse peur ou qu’il fasse rire, le zombie ne laisse personne indifférent. Comment expliquer cette omniprésence du mort-vivant dans la fiction mais aussi dans la réalité (on pensera notamment aux marches zombies) ? C’est, entre autres, à cette question que tente de répondre Paris dans son essai ponctué de quelques bribes de fiction zombiesque inédite.
Après une courte introduction de l’écrivain Nicolas Dickner, zombiphile avoué, Paris plonge dans le vif (si on peut utiliser cet adjectif lorsqu’il est question de zombies) du sujet. Avant d’explorer les origines du zombie – notons un segment particulièrement intéressant où Paris explore les occurrences protozombiesques dans la tradition judéo-chrétienne, de Lazare au Christ lui-même – et les raisons qui expliquent la popularité du phénomène, l’auteur s’intéresse à la présence des morts-vivants dans l’actualité, qu’on pense notamment à cette série d’agressions étranges aux États-Unis qui ont poussé le CDC à émettre un avis par rassurer la population et statuer que les zombies n’existent pas.
En conclusion de son essai, Paris tente d’imaginer sous un angle sociologique les conséquences qu’aurait une véritable apocalypse zombie sur la civilisation et, à plus petite échelle, sur l’humain, notamment sur son instinct grégaire et sa tendance innée à la coopération. Le lecteur sera rassuré : Paris se montre (relativement) optimiste, du moins beaucoup plus que de nombreux créateurs qui, de Romero à Kirkman, ont souvent présenté l’humain, forcé de vivre dans un monde postapocalyptique, comme une créature beaucoup plus terrifiante et cruelle que le mort-vivant.
Le lecteur zombiphile qui, comme le mort-vivant, est assailli d’une faim insatiable, trouvera sans doute que la bibliographie de l’essai de Paris aurait gagné à être un peu plus étayée : elle ne compte malheureusement qu’une douzaine de titres, dont plusieurs textes de fiction, malgré l’abondance de monographies publiées (surtout aux États-Unis) sur le sujet. Mais cette carence en sources théoriques – une décision éditoriale ? – n’enlève en rien son intérêt à Zombies : sociologie des morts-vivants. Paris a visiblement eu beaucoup de plaisir à écrire cet essai, et ce plaisir est communiqué au lecteur dès les premières pages.
C’est fait, il fallait bien s’y attendre : l’épidémie zombie a contaminé le milieu académique. Ainsi, en 2012, deux colloques universitaires ont été tenus sur le sujet. L’année qui vient ne sera pas épargnée : trois ouvrages collectifs sur le zombie, dont un dirigé par Vincent Paris, paraîtront au Québec en 2014. Il aura fallu beaucoup (trop) de temps pour que l’invasion gagne notre coin de pays et que le champ de recherche en pleine expansion que sont les zombie studies fasse son entrée au Québec. Les zombies ont mis les pieds à l’Université. On n’attend plus que le premier film ou le great zombie novel québécois.
*Par souci de transparence, ce critique tient à préciser qu’il a participé aux deux colloques mentionnés, qu’il publiera dans deux des collectifs et codirigera le troisième.
Jérôme-Olivier ALLARD