Corinne De Vailly, La Peau du mal (SF)
Corinne De Vailly
La Peau du mal
Montréal, Recto-Verso (Steampunk), 2015, 283 p.
Avec La Peau du mal, Corinne De Vailly nous livre sa deuxième incursion dans le steampunk. Bien que ce roman-ci raconte une intrigue indépendante de Les Notes de sang, paru au début de 2015, il n’en reste pas moins que l’auteure fait à l’occasion référence, de façon subtile et savoureuse, aux événements narrés dans cette première œuvre.
Ce coup-ci, on a pour décor l’Écosse du XIXe siècle. Alors que des enfants, à Arthur’s Seat en 1838, découvrent dix-sept cercueils, Fingal Angus, antiquaire notoire, s’intéresse à cette mystérieuse affaire qui semble avoir un lien avec les meurtres perpétrés dix ans plus tôt par deux tueurs en série. Fingal, aidé de sa sœur Niamh et du détective Mael Cullium, tentera de dépoussiérer cette affaire afin d’élucider le mystère. Et si les séances de spiritisme menées par la parfumeuse Hella Addlewood étaient le point de départ pour découvrir la vérité et, par le fait même, pour retrouver le livre recherché par le professeur Rothstone ? Mais ces séances ne sont pas sans conséquence, puisque, peu à peu, Fingal perd le contrôle de son corps et de son esprit, tous deux possédés par un fantôme du passé qui réclame vengeance.
Mon humble résumé, malheureusement incomplet, souligne un élément à double tranchant : le fourmillement de sous-intrigues a tendance à rendre l’histoire nébuleuse si la technique n’est pas maîtrisée. J’avoue avoir un peu pataugé au début afin de bien comprendre où voulait me mener le roman, la faute revenant sans doute à une narration qui manque un peu de focalisation, puisque sautant parfois d’un point de vue à l’autre au sein d’un même paragraphe.
En revanche, dépassé les quelque cent premières pages, les sous-intrigues finissent par se croiser, ce qui offre à l’histoire un second souffle lui permettant de dévoiler sa finalité de façon plus précise. La multitude d’indices et la kyrielle de personnages présentés dans les premiers chapitres trouvent tout leur sens dès que l’intrigue se recentre sur l’enquête de Fingal et de Niamh. La relation de ces deux personnages s’avère d’ailleurs très bien cernée, et le handicap de Fingal est exploité de façon subtile sans que l’on en ait fait un élément central du roman. Il m’apparaît aussi important de mentionner la parfaite maîtrise de l’ambiance – on a l’agréable sensation de se retrouver dans le XIXe siècle d’un Jules Verne s’amusant à pasticher Dickens – et les scènes de spiritismes, captivantes, qui sont décrites avec moult détails et vivacité. Les éléments steampunk sont, pour leur part, traités avec doigté, puisque l’intrigue n’est pas surchargée de gadgets : leur nombre parcimonieux participe à la réussite de l’ambiance et cède la place à l’évolution de l’histoire. Les dialogues, quant à eux, sont travaillés et confèrent aux différents personnages une personnalité bien définie.
Je me réserve enfin un petit bémol concernant certains anachronismes sur lesquels j’ai achoppé, et ce, même s’il s’agit de steampunk. Ces derniers sont anodins, sans réelle incidence sur l’intrigue, sinon sur la crédibilité d’un arrière-monde qui s’inspire de faits véridiques : j’aurais préféré, par exemple, que les personnages boivent le whisky de la distillerie Springbank, fondée en 1828, plutôt que celui de la Glenfiddich, fondée 59 ans plus tard.
Mais bon, malgré les quelques éléments qui m’ont fait tiquer – et je le répète, ce ne sont que des détails –, La Peau du mal demeure un roman divertissant, au style fluide et aux personnages intéressants ; un roman à l’ambiance si bien dépeinte qu’il nous reste en tête une fois sa lecture terminée. Jusqu’où nous entraînera Corinne De Vailly pour son prochain steampunk déjà annoncé ? Paris ? Québec ? Peu importe l’endroit, peu importe l’intrigue, je suivrai cette pentalogie thématique avec intérêt et plaisir.
Mathieu ARÈS