Valérie Harvey, Les Fleurs du Nord (Fy)
Valérie Harvey
Les Fleurs du Nord
Montréal, Québec/Amérique (Titan +), 2016, 544 p.
Valérie Harvey est une passionnée du Japon, pays où elle a résidé et dont elle maîtrise la langue. D’ailleurs, elle a écrit cinq livres qui traitent de cette contrée en plus de composer des chansons en japonais et en français pour le duo Yume. Cet amour du pays du Soleil-Levant se sent dans toutes les pages de son plus récent ouvrage, Les Fleurs du Nord. Il s’agit d’une première incursion, réussie, dans le domaine de la fantasy pour celle qui est aussi collaboratrice à Ici Radio-Canada Première.
L’histoire des Fleurs du Nord a pour cadre une île imaginaire proche du Japon des années 700. Sous fond de disparition de la magie, on suit une chronique familiale dans trois récits qui touchent autant de périodes. Valérie Harvey s’est inspirée des mangas de Fushigi Yugi (en fait, la première version du roman était une fanfiction) et d’un peuple mythique, les Émishis, qui habitaient le nord du Japon.
Tout commence par l’histoire de Tatsuké. Quelques siècles plus tôt, son clan maîtrisait le feu. Aujourd’hui, il est le dernier héritier de ce pouvoir. Depuis des générations, sa famille gouverne les monts Sounkyô, seul rempart entre deux puissances. Au sud, se trouve le Hokkaido et au nord, le Nankaido. En utilisant son don, il met fin à une guerre épuisante entre les deux peuples. Puis, lorsque vient le temps d’échanger les prisonniers, il découvre Midori, une des descendantes des héritiers de la terre. Ce sera le début d’une grande histoire d’amour. Lors des deux chroniques suivantes, on retrouve Tatsuké et Midori, plus vieux, mais le personnage principal est maintenant leur fille Aki qui a reçu le pouvoir et l’impétuosité de son père. Experte en arts martiaux, elle ne veut pas d’un mariage avec un noble de la capitale. Elle souhaite devenir guerrière. Son refus de se conformer aux normes va la mener dans bien des aventures.
Bien que chacune des chroniques présente des scènes de guerre et que la vengeance est un des principaux moteurs des personnages, chaque récit est d’abord une grande histoire d’amour. Attention, il ne s’agit en aucun cas d’un roman à l’eau de rose. L’auteure ne tombe jamais dans la facilité et l’aventure omniprésente. En fait, les relations de ses personnages se développent dans l’action et c’est sans doute ce qui fait qu’on y croit autant.
Valérie Harvey brosse le portrait d’individus forts et, surtout, crédibles. Les hommes, comme les femmes, ont un caractère plus grand que nature et demeurent pourtant indéniablement humains. Le lecteur s’attache à eux dans les moments de joie comme dans leurs peines.
Souvent, dans les romans de fantasy, la magie bouleverse tout en permettant une échappatoire facile aux situations les plus intenables. Les Fleurs du Nord ne souffre pas de ce défaut. En effet, l’auteure a réussi à bien l’intégrer. De plus, elle a beaucoup de souffle et son style, presque poétique à l’occasion, convient parfaitement à ce récit qui se dévore d’une traite. En fait, sur le plan technique, le seul irritant vient des fréquents changements de focalisation. À travers un même chapitre, on peut sauter plusieurs fois d’un point de vue à un autre, ce qui est un peu étourdissant.
On sent que l’auteure connaît son sujet. Elle décrit le pays avec beaucoup de justesse sans que le rythme n’en pâtisse. L’histoire est solide et les rebondissements nombreux. Par contre, la mise en place initiale aurait gagné à être plus claire et les amateurs de Guy Gavriel Kay (entre autres) regretteront le peu d’espace accordé aux jeux de coulisse et aux intrigues politiques. En fait, si ce roman pêche par un aspect, c’est par le manque de vue d’ensemble des grands enjeux. Les personnages secondaires auraient aussi pu être plus développés.
Mais ne boudons pas notre plaisir. Il s’agit d’un de mes coups de cœur en fantasy québécoise et je n’hésite pas à le recommander à tous ceux qui aiment lire des aventures exotiques avec des personnages forts.
Pierre-Luc LAFRANCE