Daniel Lessard, Péril sur le fleuve (SF)
Daniel Lessard
Péril sur le fleuve
Rosemère, Pierre Tisseyre, 2016, 217 p.
Journaliste, commentateur et romancier à ses heures, Lessard signe un récit de politique-fiction qui prend pour cadre le Québec en 2018. C’est demain et ce pourrait être aujourd’hui. En effet, l’auteur nous soumet un scénario catastrophe entièrement réaliste, contrairement à la plupart des autres romans récents dans cette veine. Dans ce livre, on ne retrouve pas de pandémie apocalyptique, de terrorisme fédéraliste, de mort de la végétation, d’intervention extraterrestre ou d’impacts météoritiques. Le Saint-Laurent et ses riverains sont tout simplement menacés par la pollution ordinaire et par un déversement pétrolier extraordinaire.
Le portrait des tractations politiques au sein du gouvernement québécois ne manque pas de vraisemblance et se nourrit sans doute de l’expérience de Lessard en la matière. Toutefois, l’intrigue est aussi portée par deux personnages féminins, soit une biologiste du gouvernement québécois, Amélie Breton, et une journaliste de Radio-Canada, Marie-Lune Beaupré. Breton assiste avec peine et colère à la détérioration des berges du fleuve et au dépérissement de sa faune. Son ami de cœur, Fabien Robert, vit la situation avec d’autant plus d’amertume qu’il a perdu son propre emploi de biologiste en raison de coupures gouvernementales.
À des attentats mineurs par un groupe éco-terroriste jusqu’alors inconnu succèdent l’échouage d’un super-pétrolier, le Cap Vert, près du domicile d’Amélie et Fabien, et un déversement qui salit les deux rives sur des kilomètres. Comme le navire ne répond pas, l’inquiétude s’installe. Le Cap Vert a-t-il été capturé par des pirates ou des terroristes ? Quelles sont leurs intentions ? Les forces policières du Canada et un détachement militaire des États-Unis se préparent à intervenir tandis que le gouvernement québécois s’interroge sur la présence d’une taupe au plus haut niveau qui alimenterait Beaupré et qui semble avoir des liens avec les maîtres du super-pétrolier.
Le suspense naît non d’une incertitude (somme toute réduite) quant à l’identité des coupables, mais des doutes quant à leurs mobiles et à la nature de la résolution. Une des forces de Lessard, c’est de faire entrer en ligne de compte la complexité des situations. Même si la vallée laurentienne est en danger et que le Québec vit une crise politique grave, le premier ministre vit aussi un drame personnel sans rapport, car sa femme agonise. Tous les écologistes ne sont pas aigris ou radicalisés, et le récit laisse percer une nostalgie certaine pour un monde naturel en voie de disparition. Si plusieurs thrillers politiques futuristes ont pris ces dernières années le Québec pour cadre, celui-ci est peut-être bien le premier à proposer un scénario engagé d’un réalisme qui transcende les partis pris idéologiques habituels.
Jean-Louis TRUDEL