Magali Laurent, Couples maudits (BOA -2) (SF)
Magali Laurent
Couples maudits (B.O.A. -2)
Boucherville, De Mortagne, 2018, 464 p.
La loterie est terminée et le sort en est jeté pour Oxana, Alexandre, Denys, Cléo, Kim et Samantha. Les six immortels sont maintenant à la merci de leurs propriétaires BOA et ils vont être séparés pour la première fois depuis leur rencontre. Après leur tentative de fuite ratée, leur statut d’esclaves est réaffirmé avec force. Les volontés seront mises à l’épreuve, les relations entre les couples atteindront leur point de rupture et des choix difficiles attendent les six amis. Devront-ils recourir au pacte qu’ils ont fait avant d’être capturés et accepter de se transformer en charognards plutôt que de se plier aux dictats de leurs nouveaux maîtres ?
Ce deuxième tome de la dystopie vampirique débute peu de temps après la fin de Loterie funeste, alors que les gagnants des trois coupes d’immortels étaient choisis. Comme c’était le cas dans le premier tome, on alterne entre différents points de vue à mesure que le récit progresse. Cette fois par contre, l’auteure a choisi de se concentrer majoritairement sur Oxana et Cléo. Si ce choix nous permet de suivre Alexandre et Denys par procuration, il a également comme inconvénient d’écarter Kim et Samantha des trois quarts du roman. En fait, mis à part quelques chapitres dans la première partie, les deux filles disparaissent presque complètement de l’intrigue pour devenir l’un des enjeux du récit.
C’est dommage, parce que des trois couples, c’était le plu prometteur, celui qui aurait pu accrocher davantage le lecteur et sortir des sentiers battus en présentant une romance entre deux jeunes femmes avec leurs parts d’ombre respectives. Au lieu de cela, on se retrouve avec deux triangles plus ou moins amoureux formés d’Oxana, Alexandre et Kael d’un côté, et Cléo, Denys et Killian de l’autre. Bien que les relations entre ces deux trios soient intéressantes, on ne peut s’empêcher de soupirer en constatant que la dynamique est celle de tous les triangles amoureux qu’on retrouve dans les dystopies, avec une différence qu’il convient de souligner : Alex est le frère d’Oxana et Cléo ne veut pas céder aux avances de Killian. Mais pour le reste, ce sont encore deux jeunes hommes qui sont en conflit pour les faveurs d’une jeune fille et c’est dommage.
On éprouve le même agacement en voyant que les personnages ne semblent pas vouloir évoluer au-delà du cadre qui a été défini dans le tome I. Oxana est toujours aussi tête brûlée et impulsive, au point d’être incapable de mener à bien une mission d’infiltration en plus de se mettre elle-même en danger. Alex est le grand frère protecteur qui ne fait pas confiance aux BOA et encore moins à Kael, malgré le fait que celui-ci fasse partie de la résistance. Denys est le dur à cuir au cœur tendre qui roule des mécaniques pour protéger Cléo, et cette dernière est encore la jeune ingénue qui ne s’est pas remise du choc causé par l’éclatement de son univers et la remise en cause de ses convictions. Disons qu’au bout de plus de 400 pages, on aurait espéré un peu plus de profondeur et de changement psychologique de la part des personnages.
Du côté de l’intrigue, Magali Laurent parvient à nous garder en haleine avec certains détails apparemment anodins mais qui vont avoir leur importance à la fin du récit, malgré un rythme beaucoup plus lent, presque statique dans le cas de Denys et Cléo, que dans le tome I. Ce serait mentir que de dire que les pages se tournent toutes seules, mais la plume de l’auteure compense et nous donne le goût de continuer notre lecture.
Quelques nouveaux personnages secondaires sont introduits et ils sont bien définis et leur présence dans le roman est tout à fait justifié et sert justement à faire progresser l’intrigue. Malheureusement, la ville de Liberté est à peine esquissée et on a l’impression qu’il s’agit d’un décor devant lequel évoluent certains des personnages. Le manoir où sont enfermés Denys et Cléo est mieux décrit et développé que la ville principale du roman, ce qui cause un problème au lecteur qui aurait voulu s’investir davantage dans le récit.
On l’aura compris, ce second tome s’essouffle après le départ canon du premier, et on ose espérer que le tome III viendra redresser la barre, parce que le potentiel est là. D’ailleurs, il faut mentionner que la dernière partie se déroule à toute vapeur, comme pour compenser pour le reste du récit qui était beaucoup plus lent. Quelques révélations habilement amenées et des changements radicaux dans la dynamique des couples viennent racheter les éléments plus décevants du récit et on referme le livre en ayant hâte de lire la suite, pour voir comment les personnages vont jouer avec la nouvelle donne remise par l’auteure.
Pierre-Alexandre BONIN