Vincent de Maisonneuve, Floraison Armature (SF)
Vincent de Maisonneuve
Floraison Armature
Montréal, Nœuds, 2016, 242 p.
La science-fiction littéraire connaît un regain de popularité depuis quelques années au Canada francophone, moins comme produit de consommation que mode d’expression. Souvent, ce sont des expériences ponctuelles qui permettent à des néophytes dans le domaine d’explorer des idées ou de raconter des histoires qu’il serait impossible d’aborder dans un autre cadre. Dans Floraison Armature, Vincent de Maisonneuve nous offre le récit d’une fin du monde plutôt originale, qui s’appuie sur un univers futuriste lui-même un peu décalé par rapport à notre réalité.
L’auteur imagine d’abord un futur proche qui va jusqu’à monnayer les mises en scène des relations sociales. Frédérique, alias Fred, alias l’Escompte, est employée par l’Agence qui dispense les contrats dans cette branche et qui supporterait mal d’être flouée par une employée qui travaille aussi pour son propre compte. Or, l’Escompte arrondit justement ses fins de mois en se faisant rémunérer par quelques habitués, dont Daniel Lamarre, dit La Mort. Après avoir essayé de donner le change, elle prend congé et se réfugie avec La Mort chez le fournisseur de celui-ci en substances pharmaceutiques illicites. Ce dernier, José Sandoval, leur propose un coup fumant. Le vol d’une quantité massive de pensées en vrac, destinées aux détaillants commerciaux du futur en question.
Le texte reste vague sur les processus de fabrication et de distribution des pensées toutes faites, mais la satire sociale est claire. Dans le roman, La Mort et Sandoval se lancent tous les deux dans leurs propres entreprises de diffusion de pensées, le premier sur le mode religieux et le second sur le mode médiatique. Quand Fred se réveille d’une longue torpeur, elle découvre que l’emballement pour les initiatives concurrentes de La Mort et Sandoval a ravagé le monde. Il ne lui restera plus qu’à sauver l’avenir de l’humanité…
Nouvelle maison d’édition, Nœuds souhaite offrir une plateforme de diffusion à des auteurs issus des milieux anarchistes, punks et alternatifs en général. Premier roman de l’auteur, Floraison Armature est partagé sous licence Creative Commons. L’ouvrage est d’ailleurs le premier titre de Nœuds. L’inexpérience de l’éditeur explique sans doute une prose parfois approximative (« motion » pour mouvement, par exemple) et une relecture superficielle (un personnage d’abord appelé Poulin devient Pilon une page plus loin). L’inexpérience de l’auteur perce plutôt dans la construction de l’histoire. Le premier quart concerne surtout les activités socio-dramaturgiques de l’Escompte, ainsi que des personnages qui sont essentiellement absents de la suite. Le style retenu ne convient peut-être pas non plus au sujet. Le réalisme parfois cru des descriptions s’oppose à des situations qui versent dans l’allégorie fantastique ou le surréalisme.
Néanmoins, Vincent de Maisonneuve signe un roman qui se démarque du lot par l’originalité de sa réflexion. L’Escompte est un personnage fort qui assume le poids de ses erreurs et qui prend parti pour les corriger. En même temps, l’auteur nous sert un avertissement sur les vulnérabilités d’une société trop sensible aux sirènes de la consommation.
Jean-Louis TRUDEL