Dominic Bellavance, Les Derniers Jours (Le Silence des Sept Nuits -1) (Fy)
Dominic Bellavance
Les Derniers Jours (Le Silence des Sept Nuits -1)
Varennes, ADA (Corbeau), 2018, 400 p.
Damian Ragellan est élevé au rang d’Arcaporal, le plus haut titre militaire existant, et n’a désormais plus aucun intermédiaire entre le roi et lui. Pour celui qui possède un don hors pair dans la manipulation d’une épée, ce statut l’honore. Mais à Roc-du-Cap, la situation est bien loin d’être heureuse. La moitié de la ville est en quarantaine depuis plusieurs semaines, coupée de toutes ressources. La raison ? Un étrange et très puissant mal se propage d’humain en humain comme une traînée de poudre, n’épargnant ni les femmes ni les enfants, tuant en deux ou trois jours à peine. Les corps se multiplient, tous marqués de larmes aussi noires que les Ténèbres et si profondes qu’elles creusent les joues jusqu’aux os. Sitôt promu, le combattant d’à peine dix-sept ans doit traverser la muraille et se rendre dans l’ouest contaminé par ordre du roi. La mission urge : la nièce du monarque vient de trouver une mort horrible et violente, et tout porte à croire que cela est lié au fléau qu’on surnomme le chagrin de la mort.
C’est ainsi que se met en branle l’action du premier tome de cette nouvelle série de Dominic Bellavance. Juste avant, le lecteur plonge dans une séquence du passé de Damian, mettant de l’avant une passion pour le théâtre et une figure maternelle colérique. Le problème est que le protagoniste, devenu un jeune adulte, change cette version de l’histoire dans la narration et les dialogues qu’il entretient avec les autres personnages. Il devient passionné de combat et s’entend bien avec sa mère. Cette contradiction dérange bien vite… jusqu’à ce qu’elle refasse surface par un autre souvenir, bien plus loin dans le récit. Floué, le lecteur comprend que l’incohérence était planifiée, qu’il est totalement tombé dans le piège en la trouvant désagréable. En fait, quelque chose cloche avec l’Arcaporal. Et il ne semble pas le savoir lui-même, alors que c’est lui qui tient le rôle de narrateur !
Vient ensuite une lettre d’espion, un peu ardue à suivre avec tous les termes d’un univers entier qui se dessine sous les yeux. Le message, non signé, commence lentement à intriguer. Combiné au meurtre apparent de la nièce du roi, cet élément souligne l’intérêt premier du roman : l’atmosphère d’enquête, camouflée sous le surnaturel. Tandis que Ragellan investigue sur la source du mal qui sévit du côté de la ville dans laquelle il a grandi, le lecteur se questionne au sujet de la double personnalité du militaire et de l’identité de l’espion. Personne n’aura de réponse immédiate.
Dans l’ouest de Roc-du-Cap, l’ambiance relève de l’apocalyptique. L’Arcaporal y circule entre les morts et les immeubles désertés, accompagné d’une jeune femme dotée de pouvoirs, espérant trouver des gens à interroger. Ce qu’il réussit, inévitablement, non sans efforts et péripéties. À partir de ce moment, l’auteur semble se jouer davantage de son lecteur. La personnalité du héros se met à dérailler plus encore, d’autres personnages pullulent de mystères, le danger, toujours aussi peu défini, s’intensifie, et les Ténèbres gagnent en présence. Si la quête de Damian semble se préciser légèrement, celle du lecteur se noie sous les questions et l’incompréhension jusque dans les dernières pages, où le mystère atteint son paroxysme en même temps que se lisent les ultimes lignes du livre.
Comment Dominic Bellavance ose-t-il laisser son lecteur avec autant de suspense ? Je plains le lecteur impatient !
Émanuelle PELLETIER-GUAY