Patrice Cazeault, Chenko (Un western fantasy -2) (Fy)
Patrice Cazeault
Chenko (Un western fantasy -2)
Varenne, AdA (Corbeau), 2019, 348 p.
Après avoir vaincu Coyote en duel de magie, Renard et ses deux jeunes recrues Qqova l’Apache et Cassidy Jackson ont trouvé refuge dans le ranch de Jed Walker. La légende de monsieur Walker ayant perdu un peu de son lustre à la suite d’un tir raté, les jeunes gens tentent de braquer des diligences, histoire de faire bouillir la marmite, avec peu de succès. Même si Qqova monte le cheval infernal Malfesnir (que lui a abandonné Ysandelle, la Reine pâle, fille du baron Kireyev), elle et Cassidy sont ralentis par la présence d’un Renard qui n’est plus que l’ombre de lui-même. Car Coyote lui a arraché de nombreuses années de vie et Renard remâche son amertume. Or, Anna Chenko lance à ses trousses la redoutable chasseuse de primes London Maize. Celle-ci parvient à capturer Cassidy qu’elle utilise comme appât pour obliger Renard à se jeter de lui-même dans la gueule du loup. Pendant ce temps, l’Ordre des Vampires envoie l’intendant du prince Vassili Kovanov taper sur les doigts du baron Kireyev pour son incapacité à débarrasser l’Amérique des sorcières d’Anna Chenko. Ysandelle décide alors de se lancer à la recherche de Renard, car si quelqu’un peut vaincre Anna Chenko, c’est bien lui.
Il est toujours délicat de réussir un deuxième tome, ce cœur de la trilogie, ce trait d’union entre ce qui était pour moi une belle surprise et le feu d’artifice final où tout est supposé se régler. Comme dans toute trilogie qui se respecte, ce deuxième tome est bien sombre. (Tout va mal ! Han Solo est prisonnier de la carbonite et la princesse doit briser le cœur de celui qu’elle aime pour lui sauver la vie.)
Ce qui est intéressant dans ce second tome, c’est que les protagonistes y sont confrontés à leurs démons intérieurs tout autant qu’à leurs ennemis…
En effet, Renard rumine la perte de la jeunesse, de la force physique, de toutes les capacités qu’il a sacrifiées afin de vaincre celui qui avait été son meilleur ami. Asséner un coup de poing à un assaillant lui cause une blessure au poignet qui va le placer en situation périlleuse, surtout en cas de duel.
Jed Walker vit avec l’échec de son centième tir, et sa situation empire quand Ysandelle, à la recherche de Renard, tombe sur lui alors qu’il est affaibli par une blessure. Devenir le jouet favori d’une puissante vampire n’est pas une situation enviable.
Cassidy Jackson, confronté à son orgueil et à sa hâte de devenir à son tour une légende, fonce tête baissée dans les emmerdes. Son impatience permet à London Taize de découvrir le refuge de Renard et d’ouvrir bien grandes les mâchoires du piège.
Quant à Qqova, elle apprend que Taza la Mort, à qui elle était fiancée avant d’être bannie de sa tribu, souhaite toujours s’unir à elle. Or, Qqova s’inquiète – avec raison – de la réaction du sanglant chef guerrier lorsqu’il apprendra la relation qu’elle entretient avec Cassidy.
Les relations entre les personnages sont complexes. Y a-t-il seulement des méchants dans ce récit ? Des imbéciles comme les adjoints du shérif, oui. Un fier guerrier devenu un impitoyable assassin parce qu’il ne croit plus (avec raison) que la paix soit possible avec les Blancs, oui. Les êtres dotés de pouvoirs ne sont guère sympathiques, que ce soit Ysandelle ou Anna, pourtant on ne peut les détester, car elles ont en commun leur amour pour Renard.
Si le premier tome jouait des poncifs du western, le second offre une intrigue très typique de la fantasy où les protagonistes, séparés par les événements, doivent se débrouiller à la fois pour rester en vie et se réunir (ou se secourir les uns les autres). Les trames convergent vers un même lieu, celui de la terrible bataille qui se termine dans le feu et le sang. Au final, ça va encore plus mal pour tout le monde et la situation semble encore plus désespérée, avec pour résultat qu’on a hâte au troisième et dernier tome afin de découvrir si les héros parviendront à s’en sortir.
Aucun des personnages ne sort indemne et on se doute qu’ils paieront un prix encore plus élevé avant la grande finale. L’humour est moins présent mais toujours aussi noir – je ne peux en dire plus sans divulgâcher, mais, vraiment, j’ai savouré la scène où Ysandelle tente de tirer « les vers du nez » d’un fossoyeur. Pauvre Jed !
Je mets quand même quelques bémols à mon commentaire. Il y a une sorte de redondance dans l’articulation de l’intrigue, dans les moments de transition où l’on passe d’une trame à l’autre. Une sorte d’effet feuilleton : on dirait que l’auteur éprouve le besoin de rappeler ce qui a précédé, comme si le lecteur risquait d’oublier dans quel pétrin on a laissé tel ou tel personnage. C’est plus une impression d’ensemble qu’un élément précis.
Et un détail vraiment idiot m’a dérangée : le fait qu’on use du terme « couvent » pour désigner le covent de sorcières. Je ne peux croire que l’auteur ait commis cette erreur. Ça sent le réviseur débutant trop rigide… ou le logiciel de correction stupide, celui du genre à remplacer « monsieur Howard » par « Monsieur homard ».
Tout agacée que je sois, ça ne m’empêchera pas d’attendre avec une impatience certaine la conclusion de ce western de fantasy.
Francine PELLETIER