Patrice Cazeault, Coyote (Un western fantasy -1) (Fy)
Patrice Cazeault
Coyote (Un western fantasy -1)
Varennes, AdA (Corbeau), 2018, 560 p.
Renard et Coyote, deux amis inséparables, des presque frères, pénètrent sur le territoire sacré du Loup blanc, chargés par la puissante sorcière Anna Chenko d’abattre l’animal totem et d’en rapporter la peau qui posséderait un pouvoir sur le temps. En échange, Anna a promis de faire un choix entre les deux hommes et d’accorder enfin son amour à l’un d’eux.
Pendant leur chasse, Coyote et Renard font la rencontre imprévue d’une Apache de la tribu des Jacarillas, la jeune Qqova, que le Loup blanc a marquée d’un coup de griffe. Coyote voudrait secourir la jeune femme, mais Renard le convainc de poursuivre la traque. Coyote parvient à abattre l’animal totem – mais à quel prix ? Au matin, il a disparu, et la précieuse peau avec lui.
Rentré bredouille auprès d’Anna, Renard est renvoyé sans ménagement : qu’il ne revienne pas sans la peau du Loup blanc ! Sur les traces de Coyote – et de Qqova dont il espère obtenir l’aide –, Renard se rend à Red Hills où sévit la bande de Jeremiah King. Coyote et Renard ont été jadis ses lieutenants, mais King est mort d’une étrange façon et a été remplacé par Garreth Holliday qui n’a jamais porté Renard dans son cœur. Pour tenter de lui échapper, Renard se réfugie à l’Antre, un saloon fief du Baron Ygrar Kireyev et de sa fille Ysandelle, dite la Reine pâle. Le geste de Renard provoque une bataille rangée entre la bande d’Holliday et les sbires du Baron menés par l’implacable Tyver. Renard est non seulement coincé entre les deux bandes, mais en plus il a à ses trousses un trio de sorcières chargées par Anna Chenko de veiller à ce qu’il poursuive sa mission. Renard jure qu’il est resté fidèle à Anna, mais il doit temporiser entre les vampires et la bande à Holliday. Pour continuer sa quête – et tenter de rester en vie –, il compte sur l’aide de Qqova et du jeune Cassidy Jackson. En cours d’aventure, ils recruteront un tireur légendaire, Jed Walker, qui prendra Qqova sous son aile.
Pour les besoins du résumé, j’ai replacé dans un ordre plus ou moins chronologique des événements qui sont livrés par petites touches ou par des flash-back, car le roman s’ouvre sur une typique scène de western, c’est-à-dire Renard qui promène « son regard d’acier sur la ville » (p. 1) où il vient de débarquer. La narration alterne les trames du point de vue de plusieurs protagonistes, principalement Renard et Qqova, mais également Shawna, la sorcière pressentie pour succéder à Anna Chenko, ainsi que divers personnages secondaires.
Qu’on ne s’y trompe pas : l’auteur sait exactement ce qu’il fait. Les clins d’œil sont assez nombreux pour que le lecteur comprenne, dès les premières pages, que l’auteur a choisi de jouer sur les archétypes… et de bien s’amuser.
Les clichés du western défilent, avec en tête la ville régie par la loi du plus fort – on ne peut même pas parler de hors-la-loi, car il n’y a pas de shérif pour imposer un semblant d’ordre. Red Hills est quasiment un personnage avec ses saloons, ses rues poussiéreuses et ses duels au crépuscule. Ses habitants plutôt débonnaires se terrent chez eux lorsqu’il y a affrontement entre bandes rivales. On a bien sûr le dur à cuire (et sa fidèle monture), les bandits de légende, le méchant chef de bande, le gentil débutant au cœur d’or… Quant au rôle féminin principal, il est tenu par une Apache dont le joli minois est quelque peu gâché par la vilaine cicatrice que lui a infligée le Loup blanc, et qui lui confère un pouvoir particulier.
Car l’auteur incorpore des éléments tout aussi archétypaux du fantastique, à commencer par le Loup blanc, qu’il est inutile de présenter puisque, n’est-ce pas, il est connu comme le loup blanc… On rencontre des vampires venus des Carpates fascinés par l’or (parce qu’on peut en faire des miroirs dans lesquels ils voient leur reflet). À cela s’ajoutent des sorcières au nombre de trois (forcément), et un zeste de folklore : une remouture de l’histoire de Rose Latulipe où, cependant, le diable qui envoûte les danseurs est incarné par la Reine pâle, ainsi que le diabolique cheval noir des légendes, un monstre que Qqova parviendra à apprivoiser.
Enfin, on se trouve bel et bien plongé dans une quête digne de la fantasy la plus classique, car Renard regroupe autour de lui des compagnons disparates venus de divers horizons qui sortiront de leurs épreuves transformés, et tout cela dans le but de mettre la main sur un artefact magique – en l’occurrence la peau du Loup blanc.
Devinez la meilleure ? Ça fonctionne ! On parvient à s’attacher suffisamment aux personnages pour que, lorsque les péripéties deviennent dramatiques, on compatisse à leurs malheurs sinon à leurs ennuis. Quant à l’humour, il n’est pas si ostentatoire qu’il gâcherait la sauce. L’auteur a trouvé un juste équilibre. J’ai adoré cette scène où un personnage n’en finit plus de mourir, comme dans les opéras dont on se moque si souvent (Quincy, p. 185 et s.). Je ne suis pas le public cible pour les jokes de char (conversation entre Cassidy et Allan sur la diligence de marque Miranda-Benson, p. 227), mais ça ne m’a pas agacée outre mesure.
Je ne prétends pas que ce roman est un chef-d’œuvre : il y a des changements de point de vue malvenus dans un même passage, des informations mal amenées ou peu claires (Renard sait-il oui ou non que Coyote est le véritable chef de la bande à Holliday ?). Parfois, c’est un terme résolument contemporain qui détonne dans le contexte (ex. un périmètre de sécurité, p. 416). Ce roman n’est pas destiné au critique pointilleux mais au lecteur bon public qui cherche un divertissement sans prétention.
Pour ma part, j’ai hâte au prochain tome (intitulé Chenko), car de petits détails permettent de croire qu’on se trouve dans un western alternatif où, entre autres, les Apaches n’ont pas nécessairement perdu la guerre. Est-ce que ce ne serait pas jouissif de voir se déployer un univers où l’homme blanc serait forcé de respecter le territoire, les coutumes et la culture des Indiens ? C’est à suivre !
Francine PELLETIER