Sylvain Neuvel, Trop Humains (Les Dossiers Thémis -3) (SF)
Sylvain Neuvel
Trop humains (Les Dossiers Thémis -3)
Paris, Le Livre de poche, 2018, 450 p.
Avec les deux premiers tomes de Les Dossiers Thémis, Sylvain Neuvel, québécois francophone, a surpris le monde de la science-fiction en se catapultant sur l’avant-scène et en obtenant une entente d’adaptation cinématographique avant même que ses romans ne soient publiés par la maison d’édition américaine Del Ray de Random House. Évidemment, lesdits romans ont alors suscité nombre de curiosités, dont la mienne !
La lecture des deux premiers tomes m’a laissée un peu ambivalente et ce dernier opus n’arrive pas, pour moi, à racheter les défauts du reste de la trilogie.
L’intrigue des deux premiers tomes était fertile en rebondissements. Dans le premier volume, les personnages, soit une équipe de scientifiques, devaient retrouver les pièces détachées de Thémis, ce gigantesque robot laissé sur Terre par des extraterrestres venus jadis nous visiter, puis apprendre à le piloter, tout en jouant à cache-cache avec les puissances politiques désirant s’approprier cette arme nouvelle. Dans le second livre, d’autres robots extraterrestres faisaient leur apparition, décidés à récupérer Thémis et à éliminer les humains comptant des extraterrestres parmi leurs ancêtres… c’est-à-dire une partie importante de la population de la planète ! Les personnages essayaient de trouver un moyen de contrer ces robots et d’enrayer la tuerie avant que les morts ne se comptent par milliards. Le tout se terminait avec une demi-victoire, les extraterrestres s’étant enfuis, et la disparition de l’équipe, emportée on ne savait où avec Thémis.
En comparaison, le troisième tome fait pauvre figure : on nous raconte à rebours où les personnages se sont retrouvés et comment ils en sont revenus. Déjà, le suspense est nul, puisque la conclusion est connue. En parallèle, la Terre s’inquiète d’un éventuel retour des extraterrestres, tout en opprimant les descendants d’extraterrestres qui ont survécu à la première attaque. Et Éva, la fille adolescente de Vincent, le linguiste et pilote de Thémis, est fâchée contre son papa et contre le monde entier (elle a dix-neuf ans, c’est de son âge), alors elle s’enfuit et se retrouve à travailler pour le clan adverse. L’histoire se conclut par une bataille du père et de la fille aux commandes de leurs robots respectifs (ce sera sans doute grandiose au cinéma), puis avec une dernière visite des extraterrestres, qui, à l’instigation de l’un des personnages, chicanent les humains pour les forcer à être gentils les uns envers les autres désormais. Ensuite, ils repartent.
Après deux romans où la tension progressait constamment, le ressort narratif de celui-ci semble plutôt se détendre longuement. Je suppose que l’auteur voulait terminer sa trilogie en se recentrant sur ses personnages afin de nous donner une impression de continuité (ou parce qu’il ne pouvait plus surenchérir dans la démesure), mais, pour ma part, l’effet tombe à plat. Surtout que, depuis le début des Dossiers Thémis, la forme (uniquement des dialogues, avec des polices de caractère différentes pour chaque intervenant) nous tient à distance des personnages. On entend leurs paroles et, parfois, ils monologuent à l’intention de leur journal personnel, mais on a toujours l’impression de les observer de loin. On ne peut pas plonger en eux, voir l’univers par leurs yeux. C’était acceptable tant que l’action prenait toute la place, mais lorsqu’on tombe dans le récit intimiste, il me semble que le manque de narration et d’accès immédiat au dialogue intérieur des personnages devient criant.
Bref, Trop humains est une conclusion correcte aux Dossiers Thémis, surtout pour ceux qui n’ont pas été agacés par la forme de ces romans dialogués, mais qui n’éblouit pas.
Geneviève BLOUIN