Cédric Ferrand, Mon Almérique à moi (Hy)
Cédric Ferrand
Mon Almérique à moi
Lévis, Alire (GF 90), 2021, 236 p.
Jess vient d’une famille bien particulière. Son grand-père Almérique aurait littéralement inventé sa grand-mère en revenant du front, après la Seconde Guerre mondiale. Sa grand-mère Rita avait un étrange don d’alchimie qui lui permettait de guérir n’importe quels maux en mélangeant des médicaments. Son père Marcel a une facilité surnaturelle avec les chiffres. Jess, pour sa part, eh bien, c’est un peu compliqué ! Il parvient quand même à vivre une vie relativement normale et monotone, passant d’un petit boulot à un autre, essayant de se fondre dans la masse. Tout s’écroule le jour où Almérique et Rita décèdent, à quelques minutes d’intervalle. À ce moment-là, la vie de Jess devient passablement compliquée, particulièrement avec, dans le portrait, monsieur Destourbes, un riche homme d’affaires et philanthrope, ami d’Almérique.
Ce résumé laissera sans doute plusieurs lecteurs et lectrices sur leur faim. Pourtant, c’est le maximum qu’il est possible de dire sans les priver du plaisir de découvrir le récit de Jess et la plume de Cédric Ferrand, dans Mon Almérique à moi, un étrange mélange entre Les Bougons et les romans d’Éric Gauthier. Parce que ce roman est la chronique d’une famille qui a trouvé plusieurs moyens de déjouer le système, mais cette fois, à un niveau cosmique, narrée avec le talent de conteur d’Éric Gauthier, qui parvient à nous faire avaler à peu près n’importe quoi. Mais Cédric Ferrand est plus qu’un émule de l’auteur du Saint Patron des plans foireux, avec qui il partage tout de même un goût pour le quotidien des petites gens qui dérape dans une explosion d’absurde et de coïncidences pas possibles.
Ce (trop) court roman s’inscrit parfaitement dans le réalisme magique, le parent pauvre de la SFFQ. Pourtant, Ferrand parvient à montrer tout le potentiel de ce sous-genre, qui permet de prendre des libertés avec le réel, sans tomber dans l’ambiguïté du fantastique. Sous la magnifique couverture rétro, signée Pascal Colpron, le récit ne connaît aucun temps mort, la narration de Jess étant un mélange d’humour ravageur et de réflexions personnelles qui rendraient jalouse Rhonda Byrne (l’auteure du Secret, qui pourrait avoir servi de livre de chevet à l’auteur durant l’écriture de son manuscrit !).
C’est à la fois une chronique familiale, une réflexion sur la filiation et l’identité, mais aussi une sorte de roman d’apprentissage où le/la (c’est compliqué !) narrateur/narratrice (vraiment compliqué) découvre éventuellement où réside son propre talent particulier.
Ce n’est pas le premier roman de l’auteur, qui a signé trois œuvres précédentes chez Les Moutons électriques, en France, mais le premier publié aux éditions Alire. Maintenant que la table est mise, il ne nous reste qu’à visualiser de nombreux autres romans de sa part, et à nous convaincre que sa bibliographie s’étoffera rapidement dans les prochaines années. Et si c’était possible de poursuivre dans la veine du réalisme magique, ce serait vraiment parfait !
Pierre-Alexandre BONIN